Le film a été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2021.
A Chiara complète un triptyque autour de la ville calabraise de Gioia Tauro, entamé avec Mediterranea puis A Ciambra. Lorsqu’il est arrivé à Gioia Tauro en 2010, Jonas Carpignano a été témoin de violentes émeutes raciales après l’agression de deux migrants africains, qui l’ont inspiré pour Mediterranea. Dans A Ciambra, il s’est intéressé à la communauté rom de la ville. « Au départ, je n’avais pas du tout en tête l’idée d’un triptyque, je voulais filmer les émeutes raciales. Mais assez vite, j’ai su que je voulais faire trois films sur trois facettes de cette ville. » Dans A Chiara, il s’intéresse à la « Malavita » (la vie criminelle, mafieuse), les gens impliqués dans l’économie souterraine créée par la mafia.
Les personnages des premiers films de Jonas Carpignano, Ayiva de Mediterranea et Pio et sa cousine Patatina de A Ciambra font une apparition dans A Chiara.
Alors qu’il faisait le casting de figurants pour une scène de A Ciambra en 2015, Jonas Carpignano a rencontré Swamy Rotolo, qui avait alors 9-10 ans. Il venait de terminer le scénario de A Chiara et savait qu’il avait trouvé l’interprète de son film suivant. Il se trouve qu’il connaissait très bien sa famille et l’a vue grandir. « J’ai appris à mieux la connaître et j’ai réécrit le scénario avec elle en tête. Dans le film, tous les personnages sont de sa famille. »
Les comédiens n’ont jamais lu le scénario de A Chiara. Ils avaient une idée de la structure et du sujet du film mais personne ne connaissait l’histoire dans ses détails. Le réalisateur se souvient : « Claudio [Rotolo] savait par exemple qu’il y avait un bunker sous la villa. Mais nous n’en avons jamais parlé à Chiara. Au cours de tournage, nous n’arrêtions pas de lui dire : "Regarde ce mur, regarde bien, il y a quelque chose à trouver". Elle a fini par trouver le bunker d’elle-même. »
La bande originale de A Chiara est composée par Dan Romer et Benh Zeitlin. Ce dernier, qui avait aussi participé à la musique de Mediterranea, est plus connu en tant que réalisateur puisqu’on lui doit Les Bêtes du sud sauvage et Wendy.
Le réalisateur a choisi de ne pas montrer les crimes de la mafia à l’écran : « J’ai vécu dix ans à Gioia Tauro. N’importe quel moteur de recherche associe cette ville à la mafia. Dès que je mentionne son nom, on me parle de la mafia. Comme s’il y avait tout le temps des fusillades en pleine rue. Or, rien de tout cela n’arrive jamais. La violence intense associée à l’idée de mafia, je ne l’ai jamais vue à Gioia Tauro ». Il considère davantage A Chiara comme un film axé sur la famille, loin des stéréotypes sur la mafia que l’on peut voir habituellement au cinéma.
A Chiara met en scène la ‘Ndrangheta, la mafia de Calabre, qui est considérée comme l’une des plus dangereuses, car contrairement à la mafia de Sicile, à la Camorra napolitaine ou aux mafias américaines, elle ne repose que sur les liens du sang, la famille au sens strict. Le réalisateur précise : « il est impossible d’entrer dans un clan si l’on n’a pas de lien de sang avec ses membres. A cause de ça, il n’y a jamais de repentis dans cette mafia, car personne ne se retourne contre sa propre famille. » L’emprise est telle que depuis 2011, un juge, Roberto Di Bella, a eu l'idée de limiter l'autorité parentale des mafieux en éloignant les enfants de leur famille jusqu’à leur majorité, pour leur donner l’opportunité d’échapper à leur destin tout tracé de mafieux. « Mais cette loi m’a toujours laissé très sceptique. En théorie ça marche, mais d’un point de vue émotionnel, c’est une chose épouvantable », nuance Jonas Carpignano.