C’est suite aux gémissements excessifs de sa voisine lors de ses ébats à n’importe quelle heure du jour et de la nuit que Cesc Gay a eu l’idée de Sentimental. Avec sa femme, il a eu de vives discussions sur ce qu’ils devaient faire face à ces bruits : « Ça a généré chez nous un débat, souvent enflammé, sur ce qu’il fallait faire ou non, s’il fallait le lui dire ou non, et comment le lui dire : "C’est toi qui montes. — Non, c’est toi !" […] Évidemment, le film ne raconte pas mon histoire personnelle, loin de là. Mais l’élément déclencheur, ma source d’inspiration, c’est bien cette anecdote. »
Le réalisateur décrit son film comme une radiographie des difficultés de la vie en couple : « Chez un couple marié, a priori comme tant d’autres, ces mêmes gémissements de voisins allaient déchaîner une tempête de mots et de reproches restés inexprimés. Car, sans aucun doute, l'une des plus grandes et des plus ambitieuses aventures que nous puissions vivre dans cette vie est celle de vivre en couple. Un défi majeur aux épreuves innombrables, dans lequel la lutte devient une routine, les tranchées sont infinies et où la consolation face aux blessures subies est souvent rare ou malsaine. »
Cesc Gay adapte sa propre pièce, Los vecinos de arriba (Les Voisins du dessus), qu’il a écrite en même temps que son film Truman, sorti en 2016 en France et qui a été un triomphe en Espagne, où il a reçu cinq Goya (l’équivalent des César). C’est la première fois qu’il procédait à l’écriture simultanée de deux projets, ce qui lui a permis d’alterner entre un registre comique et un autre plus dramatique. Il a dû effectuer des changements pour porter sa pièce à l’écran : « Au théâtre, dans les pièces comiques, le vaudeville en particulier, on se lâche davantage. Pour l’adaptation cinématographique de Sentimental, j’ai atténué certains éléments qui fonctionnaient bien sur scène, mais qui, transposés au cinéma, semblaient trop crus. »
Cesc Gay s’est nourri du cinéma américain des années 30 et 40 et des maîtres de la screwball comedy comme Billy Wilder, Howard Hawks, Ben Hecht et Ernst Lubitsch, « que j'ai toujours tant aimés pour le dynamisme de leurs films et le rythme et le mordant de leurs dialogues intelligents et toujours surprenants. »
Il était primordial de trouver les bons interprètes pour camper les quatre personnages autour desquels est construit Sentimental. Cesc Gay explique qu’il fallait avant tout trouver des comédiens qui ont une veine comique : « Il m’est arrivé de travailler avec de très bons acteurs, je ne vais pas citer de noms, qui n’étaient pas doués pour la comédie, ça a un côté absurde. […] Une fois, j’ai vu une comédie avec Marlon Brando, j’ai trouvé ça lamentable, pourtant Brando est le plus grand acteur de l’Histoire. Il y a les acteurs de comédie, point. Certains grands acteurs ne peuvent pas jouer dans des comédies et, s’ils le font, ce n’est pas drôle. Si je raconte une blague lors d’un dîner, il est possible que personne ne rie. Ce n’est pas donné à tout le monde de raconter des blagues. »
Sentimental est un huis clos qui se joue dans un décor unique avec quatre personnages. Pourtant, ce dispositif réduit n’a pas facilité les choses lors du tournage. Il s’agit même d’un des tournages les plus difficiles pour Cesc Gay. L’histoire se déroulant en temps réel, il a fallu tourner dans l’ordre chronologique et reprendre chaque journée de tournage au même point de narration que la veille. « Entre chaque prise, chaque journée de tournage, il était difficile pour tout le monde, et surtout pour les quatre acteurs, de conserver la continuité dans l’action. Il était très important de faire bouger les acteurs dans le décor. Éviter la lassitude du décor unique pendant tout le film, il fallait que ce soit dynamique. C’est un tournage que j’ai dû très bien planifier. Tout était réfléchi. »