Le film est né d’une rencontre entre Karim Bensalah et quelqu’un qui lui a parlé de son travail aux pompes funèbres musulmanes et dont l’histoire a inspiré celle du personnage de Sofiane. Le réalisateur confie : "Immédiatement ce contexte m’a marqué. Ensuite il y a le fait que cela concernait une personne issue d’une classe sociale aisée qui se retrouve catapultée dans un milieu social, sociétal différent du sien. Évidemment cela permettait de construire un personnage qui se voit contraint à se poser des questions sur son identité profonde."
"Une nécessité pour Sofiane qui se sent étranger partout. C’est une sensation très particulière et très actuelle pour une certaine génération qui ne trouve sa place nulle part, qui ne se sent légitime en rien."
"Ce titre qui m’a été suggéré, m’a tout de suite plu, car, d’une part, je suis fan de la série américaine au titre très proche, et, d’autre part, parce que derrière ce titre il y a une histoire construite comme un oxymore, ou comment le personnage principal arrive à prendre de la hauteur, à comprendre la valeur de la vie, grâce à son expérience de la mort."
Karim Bensalah a vu Hamza Meziani dans Nocturama de Bertrand Bonello. Il se rappelle : "Il y avait une scène avec lui dans les escaliers de la Samaritaine qui était impressionnante. Sa gestuelle m’avait fasciné. Hamza a une qualité très rare, à savoir une capacité à être présent dans l’absence, ou à être absent dans la présence. Il est bel et bien là, mais il est difficile de lire les émotions qui traversent son visage. Il possède cette qualité d’être naturellement indéchiffrable."
La caméra devait représenter la manière dont Sofiane voit le monde. Il s’agissait, pour Karim Bensalah, de suivre son parcours mental qui va d’un enfermement à une ouverture. Le cinéaste précise : "On démarre avec un montage composé de nombreuses coupes, des ellipses nerveuses. Puis, peu à peu, Sofiane devenant de plus en plus curieux des autres, la réalisation va vers le plan séquence. À la fin du film, le cadre est de plus en plus dépouillé."
"Sofiane est davantage intégré au monde, et visuellement le film devient plus harmonieux. Pour la lumière, c’est la même démarche, on va vers quelque chose de plus en plus lumineux, après un début tout en clair-obscur."
Karim Bensalah a chois de situer l'intrigue de Six pieds sur Terre dans le milieu des pompes funèbres musulmanes. Il explique pourquoi : "La mort m’obsède depuis très longtemps. "Dans mes courts métrages : Le Secret de Fatima et Les Heures blanches, il y a toujours la mort. J’ai à ce sujet, un héritage culturel brésilien d’origine portugaise très très présent. Il y a bien évidemment l’héritage de la guerre d’Algérie. Et j’ai eu aussi une expérience métaphysique de la mort très très jeune. À six, ans en allant à l’école, je me suis posé la question de la vie après la mort et depuis ça m’obsède."
"Je peux dire que mon expérience de la vie s’est faite à travers la mort. Elle est même fondatrice. J’ai grandi en Haïti au moment de la chute de Bébé Doc. En rentrant de l’école, je voyais des cadavres qui gisaient dans les rues. Pour moi cette expérience de la mort donne tout son sens à la question de la vie. C’est exactement ce à quoi Sofiane se retrouve confronté."