Le sujet de l’évasion fiscale s’est imposé rapidement au producteur Bertrand Faivre, au co-scénariste Denis Robert et au réalisateur Yannick Kergoat. Ce dernier témoigne : "C’est une question qui nous concerne tous et qui est centrale dans le monde d’aujourd’hui, notamment quand on veut traiter des injustices sociales et économiques". À l'instar des Nouveaux chiens de garde, documentaire qu'il avait co-réalisé avec Gilles Balbastre, Kergoat tenait à traiter d'un sujet éminemment politique avec une certaine liberté de ton, et surtout de l’humour.
L'évasion fiscale est un sujet qui a déjà été abordé dans des documentaires pour la télévision. Pour Yannick Kergoat, il était d’emblée évident que La (très) grande évasion serait un film de cinéma, afin de s'assurer une totale liberté éditoriale qui n'aurait pas été garantie avec une chaîne de télévision, qu’elle soit privée ou publique. De plus, le format cinématographique permettait de s'adresser à un autre public que celui de la télévision : "la démarche d’aller au cinéma n’a rien à voir avec le fait de s’abreuver au robinet de la télévision, sans même parler des chaînes d’infos en continu. Par ailleurs, nous sommes convaincus que la salle de cinéma est un espace public puissant face aux médias dominants. Et ça fait partie de notre projet que d’accompagner le film en salles en y organisant des projections suivies de débats, en nous déplaçant partout où l’échange avec le public est possible."
La (très) grande évasion brocarde la classe politique, via des commentaires cinglants et des images d’archives à charge. Mais elle reste très peu présente parmi les intervenants interviewés. Le réalisateur voulait donner la parole à ceux qui se battent contre l'évasion fiscale et qui sont peu présents dans les médias dominants (les ONG, les économistes, les magistrats, les universitaires), contrairement aux politiques. "Nous, nous n’avons qu’1h50 de film : je n’avais pas très envie de la partager avec eux." De plus, il voulait éviter la langue de bois : "Il n’y a qu’un seul « politique » dans La (très) grande évasion : Pascal Saint-Amand, le directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE, un acteur central des tentatives de réformes internationales depuis 2009. Je le crois sincère, mais il est surtout un diplomate qui reste soumis à la volonté et à la politique des grands pays, notamment des États-Unis. Nous avons eu un entretien d’1h30 avec lui, il n’en reste que 30 secondes au début du film..."