Jean-Baptiste Durand a grandi dans un village du Sud de la France (Montpeyroux - à côté du Pouget où a été tourné le film), entouré d'amis avec comme passions le foot, le rap et le dessin. Lorsqu'il a intégré l’Ecole des Beaux-Arts de Montpellier, il a commencé par dessiner ses copains :
"Pour combler un vrai vide de représentation, parce que j’avais le sentiment que si l’on pouvait s’identifier un peu aux films de banlieue, on ne se retrouvait pas du tout dans les films sur la campagne, qui abordaient soit le monde paysan, soit une époque révolue."
"Plus tard, quand j’ai commencé à faire des films, il m’a semblé tout naturel de raconter l’histoire de jeunes péri-urbains qui trainent ensemble, écoutent de la musique, jouent au ballon, boivent de l’alcool, fument du shit, se battent, et n’ont pour refaire le monde qu’un banc ou un terrain de foot."
"Mes premiers courts métrages évoquent donc cette jeunesse-là et étudient ces rapports très particuliers que le village fabrique entre les jeunes : une sorte de fraternité, d’appartenance à un clan, à la fois forte et violente, avec un rapport très fort à la fidélité", confie le cinéaste. Il ajoute :
"Il venait de Roumanie, mon premier court, est quasiment devenu une note d’intention de mon premier long..."
Chien de la casse est une expression qui vient des banlieues. Pour Jean-Baptiste Durand, l’amitié de ces jeunes évoque la relation maître-chien, un rapport dominant/dominé mais aussi un amour indéfectible, un courage et une fidélité presque absurde : "Et le chien de la casse, c’est celui qui fait les choses pour lui, malgré ses amis. considèrent chacun que l’autre est un chien de la casse", précise le metteur en scène.
"Mirales est névrosé, cabossé et ne sait pas aimer car même s’il aime profondément son pote, il veut le changer, l’insulte et n’oeuvre pas pour son bien. Pareil pour son univers : il est mal dans sa peau, mal dans sa place et porte un regard abimé sur son monde qu’il aimerait aussi transformer, ou quitter."
"Il lit, s’intéresse aux choses, a des passions, mais c’est comme si tout était contenu. Et au lieu d’essayer de devenir adulte, de se transformer et de mieux s’aimer, il cherche à changer les autres. Tout cela dans une retenue qui l’empêche vraiment d’exploser. Il devra changer son regard pour changer son monde."
Pour la première fois, Jean-Baptiste Durand s'est interdit de penser à des acteurs au moment de la rédaction du scénario. Mais, alors qu'il était aux deux-tiers de l’écriture, il a vu la même semaine La Prière, de Cédric Kahn et L’Apparition de Xavier Giannoli :
"Or, dès les premières images de La Prière, j’ai vu chez Anthony Bajon mon Dog ! Au-delà de le trouver bouleversant, je trouvais que ce comédien avait une intelligence animale dans son rapport au corps, à l’espace, aux silences", se souvient le réalisateur. Il poursuit :
"Et dans L’Apparition, j’ai été très marqué par Galatea Bellugi, notamment par la pluralité des expressions de son visage et sa maturité émotionnelle absolument incroyable : quand elle est heureuse, c’est la plus belle fille du monde et quand elle s’assombrit, elle devient insignifiante."
"Donc quand je me suis remis à écrire, je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir ces deux acteurs en tête. Et lorsque j’ai été pris à la résidence Emergence, quand il y a eu la nécessité d’accélérer le processus de casting et de tourner des essais, j’ai envoyé le scénario à Anthony."
"La rencontre avec lui ayant été d’autant plus belle, j’ai réécrit un peu le rôle pour qu’il corresponde parfaitement à ce que je percevais de lui. Et, en plus d’accepter très vite le rôle, Anthony a eu la gentillesse de m’accompagner sur le casting de Mirales..."
Pour brosser le portrait de Dog, un personnage qui ne parle pas, Jean-Baptiste Durand s'est appuyé sur l’image des loups. Il confie : "Dog est le loup Omega, s’il se fait brutaliser par la meute, c’est parce qu’au fond, c’est le seul capable de supporter la frustration des autres. Dog n’est donc pas sous emprise, c’est un Stoïcien, un gars plutôt solide qui a été capable d’encaisser la douleur de son ami par amour pendant des années."
Raphaël Quenard avait déjà joué avec Anthony Bajon dans La Troisième guerre (2021) de Giovanni Aloi.
La grande majorité des rôles secondaires est constituée d'amis de Jean-Baptiste Durand et d'acteurs avec lesquels il a déjà tourné. Seule exception : Bernard Blancan, que le cinéaste a engagé pour jouer une sorte d’idiot du village en raison de son talent physique à faire le clown.
Jean-Baptiste Durand ne voulait pas de naturalisme pur. Pour donner la sensation que les personnages sont comme aimantés au village et à leur banc, le cinéaste a laissé au maximum la caméra sur pied et a opté pour plusieurs plans frontaux : "S’ils en sortent, la caméra ne les suit pas."
"L’idée était donc de se décaler un peu du naturalisme et de livrer une direction artistique tirée à quatre épingles pour fabriquer leur monde. Et pour filmer une fiction, des dialogues, donner à travers un langage la musique du film, il fallait aussi maîtriser les couleurs et donner une teinte à chaque personnage"
"La place de la caméra devait être, en outre, à bonne distance. Si je filme Raphaël de dos quand il pleure, c’est pour lui permettre de faire sortir quelque chose qu’il n’a jamais sorti avant face caméra mais aussi par pudeur, comme le ferait un copain", se rappelle le metteur en scène. Il ajoute :
"Bref, pour que chaque scène ait un point de vue, il fallait qu’elle ait son écriture, voire son cahier des charges, en fonction de mes propres sensations – être entre les personnages pour s’incruster dans leurs échanges ou en recul pour laisser circuler quelque chose entre les comédiens."
"Et je ne me suis pas posé la question de la cohérence d’ensemble car si chaque scène était juste dans son rapport à la mise en scène, l’ensemble le serait."