Steffi Niederzoll a appris l'histoire de Reyhaneh par la presse, en 2014. Son cas a eu une couverture médiatique importante en Allemagne, où vivait l’un de ses oncles. À cette époque, son histoire était seulement l’une des nombreuses histoires déchirantes que rapportaient les journaux. La réalisatrice se rappelle : "Puis, en 2016, par l’intermédiaire de mon compagnon iranien de l’époque, j’ai rencontré le cousin de Shole et sa femme à Istanbul – ils avaient fui l’Iran et étaient coincés en Turquie."
"Ils essayaient de sauver des vidéos, filmées clandestinement, liées à l’affaire de Reyhaneh. L’une de ces vidéos m’a particulièrement émue : on y voyait Shole assise dans une voiture devant la prison, attendant de savoir si sa fille serait graciée ou exécutée. Ce moment, plein d’espoir et de détresse, a laissé une marque indélébile dans mon esprit. Les mois suivants, j’ai effectué plusieurs voyages en Turquie, nous sommes peu à peu devenus amis et ils m’ont demandé si je pouvais faire un film à partir de ces images."
Steffi Niederzoll était très consciente de la grande responsabilité qu'un tel projet impliquerait. Jusque-là, elle se considérait comme une réalisatrice de fiction. La cinéaste se souvient : "Je travaillais à cette époque sur le scénario de mon premier long-métrage, mais je n’avançais pas. Je voulais éviter de faire de vaines promesses. J’ai donc proposé de rapporter le matériel vidéo en Allemagne pour le faire traduire et réfléchir à la façon dont je pourrais éventuellement en tirer un film documentaire."
"Peu de temps après, j'ai pu rencontrer Shole, la mère de Reyhaneh, qui venait d’arriver en Turquie avec sa plus jeune fille. Cette première rencontre a été étrange. Elle me paraissait très familière, car je l’avais vu vivre des moments dramatiques et personnels dans les vidéos. Mais pour elle, j’étais une étrangère. Je le lui ai dit. Elle m’a regardée, puis m’a souri et prise dans ses bras. Nous avons bu un thé en regardant les photos d’enfance de Reyhaneh. C’est à ce moment que j’ai su que je devais faire ce film."
Steffi Niederzoll explique comment elle a récupéré les images qui montrent la famille dans son intimité : "Shole en avait emporté une grande quantité lorsqu’elle est partie d’Iran, en VHS et cassettes mini DV. Certaines images ont été passées clandestinement d’Iran en Allemagne après coup, des photos ont été scannées. Les enregistrements que Shahrzad m’a donnés ont été particulièrement importants pour le film. Shahrzad a beaucoup filmé sur son téléphone, montrant comment une famille vit lorsque l’un de ses membres est en péril."
Il était clair depuis le début du projet que Steffi Niederzoll et son équipe n'obtiendraient pas d’autorisation pour tourner le film en Iran. Avec l’aide de Zebra Kropp, une société de production iranienne, la réalisatrice a eu accès aux archives d’un collectif d’Iran qui a tourné des images de Téhéran pendant la période où Reyhaneh était emprisonnée. Steffi Niederzoll se remémore :
"Il nous manquait malgré tout des plans de lieux spécifiques qui jouent un rôle dans l’histoire, comme l’extérieur de la prison ou la maison dans laquelle Reyhaneh a été agressée. Tourner des plans de ces lieux était dangereux et pouvait envoyer en prison leurs auteurs. Les personnes qui ont filmé ces images ont pris le risque, car elles étaient convaincues que ce film devait être fait."
Les enregistrements audio et vidéo réalisés pendant la période d’emprisonnement de Reyhaneh ont principalement été faits par la famille, pour assembler des preuves. Steffi Niederzoll précise : "Beaucoup des vidéos sont tournées avec des téléphones portables. Et bien qu’elles soient de qualité médiocre et parfois peu stables, il m’est paru évident dès le début qu’elles devaient être au cœur du film."
"Elles sont très puissantes et donnent un aperçu de lieux interdits, comme les prisons iraniennes. Elles nous permettent de partager des moments très forts, par exemple lorsque Reyhaneh appelle sa mère pour lui annoncer qu’ils viennent la chercher pour l’exécution."
La comédienne engagée Zar Amir Ebrahimi, dont la notoriété s'est accentuée avec sa prestation de journaliste déterminée dans le thriller Les Nuits de Mashhad et qui a été contrainte de fuir l'Iran, a été choisie par Steffi Niederzoll pour prêter sa voix à Reyhaneh : "L’un des principaux défis du film était de faire entendre la voix de Reyhaneh et de donner vie à ses pensées et sentiments. Je me suis appuyée sur des extraits de notes et de lettres qu’elle a rédigées pendant sa détention."
"Elle a lu certaines parties de ces lettres à sa mère par téléphone pour que Shole puisse les enregistrer en évitant la censure des autorités pénitentiaires. Mais d’autres parties existaient seulement sous forme de texte. J’étais donc déterminée à trouver une actrice qui pourrait les incarner, leur donner âme et profondeur. Il était important pour moi que cette actrice soit engagée politiquement. C’est le cinéaste iranien Sina Ataeian Dena qui m’a recommandé son amie Zar Amir Ebrahimi."