A propos de Joan est né d’une multitude de questions et de désirs survenus chez Laurent Larivière après la réalisation de Je suis un soldat (2015). Le metteur en scène se rappelle : "Avec François Decodts, mon coscénariste, nous voulions écrire un portrait de femme, sous la forme d’un film romanesque, qui se passe sur différentes périodes, dans plusieurs pays. Un mélodrame mais qui soit traversé par la comédie.
"Je voulais avant tout faire le portrait de son rapport non seulement à son fils mais au monde, avec la liberté qu’elle a, la fantaisie, l‘humour, l’autorité... Un portrait porté par cette envie de croire aux histoires que le cinéma nous raconte. Quand Joan s’adresse frontalement au spectateur au début du film, elle lui fait la promesse de l’embarquer dans les souvenirs de sa vie qui sont aussi faits d’invention."
Si, a priori, cette histoire pouvait sembler compliquée compte tenu de ses différents niveaux temporels, Laurent Larivière a cherché à la rendre fluide au maximum. Avec la monteuse Marie-Pierre Frappier, il a ainsi trouvé des liens entre les époques qui n’étaient pas forcément écrits :
"Je pense notamment au raccord où Doug prend Joan dans ses bras au café. Elle ferme les yeux et on les retrouve jeunes dans une étreinte… Ce raccord est de l’ordre de la sensation. A d’autres moments, les raccords sont plus humoristiques", explique le réalisateur, en poursuivant :
"Comme quand Joan dit « La pureté, c’est tout moi » et qu’on la voit ensuite marcher, habillée en cuir, blonde platine, sur une musique de hard rock… Les séquences font parfois directement écho à une question qu’on pouvait se poser, parfois elles sont dans un rapport un peu contradictoire…"
"On a essayé de diversifier les allers et retours, de ne pas s’installer dans un système. Nous avions à cœur que le spectateur soit sans cesse surpris et partage des émotions variées."
La musique de Jérôme Rebotier a pour but de participer à la tonalité romanesque du film. Laurent Larivière lui a demandé de travailler sur des partitions plutôt enlevées, à l’image du personnage de Joan. Le réalisateur précise :
"Je trouve très belle la manière dont il a réussi au final à mélanger la vivacité et la mélancolie, à l’image du titre du film. « A propos de » donne un élan à la phrase, quelque chose de très vivant, de l’ordre de la conversation… Ou du récit…"
Le metteur en scène Laurent Larivière voulait faire un film à l'esthétique contrastée pour que le spectateur puisse clairement identifier les époques (mais sans être esthétisant). Pour ce, il a fait appel à la directrice de la photographie Céline Bozon. Le cinéaste se rappelle :
"Je voulais que l’on glisse d’une époque à l’autre, sans brutalité. Concernant les gammes de couleur, on a adopté des partis pris forts. En Irlande, on est dans des tons chauds : marron, orange, gris… L’ambiance est plus froide dans la période allemande, avec cette atmosphère très bleutée."
"Et à Mariposa, la maison familiale, on est dans quelque chose de plus solaire, avec des jaunes, des verts… Et on a travaillé sur la texture, notamment en ajoutant du grain sur la période en Irlande. Le souvenir est une recréation. L’image n’a pas vocation à être réaliste."
"Je voulais que cette impureté se retrouve dans nos choix esthétiques. Au-delà de l’anecdote d’une situation, qui peut être drôle ou dramatique, ce qui m’intéresse c’est de filmer ce qui ne se voit pas, ce qui circule entre les êtres, ce qu’il y a sous le récit. Je fais du cinéma pour filmer l’invisible."
Dimitri Doré, qui joue Nathan adolescent (adulte, il est campé par Swann Arlaud), avait 23 ans au moment du tournage alors que son personnage en a 16. Un choix assumé de la part de Laurent Larivière : "J’ai choisi Dimitri pour la singularité de son profil. Ce physique frêle associé à une grande maturité."
"Cela m’intéressait de choisir un acteur de 23 ans pour jouer un ado de 16. Quand on se souvient de quelqu’un, c’est aussi d’une période dont on se souvient. Dimitri incarne la période de l’adolescence, comme s’il cumulait une dizaine d’années de vie…"
L'Ecossaise Freya Mavor a été choisie pour incarner Joan (Isabelle Huppert) lorsqu'elle est jeune. Laurent Larivière confie : "Sa rousseur pouvait fonctionner avec celle d’Isabelle Huppert. J’aimais aussi qu’elle soit bilingue et puisse ainsi s’amuser à forcer son accent français. Elle apporte beaucoup de joie et de sensualité à la jeunesse de Joan."
Le cinéaste ajoute au sujet de l'acteur irlandais Eanna Hardwicke, qui joue Doug (Stanley Townsend) jeune : "Je ne le connaissais pas. C’est la directrice de casting irlandaise qui m’a fait cette proposition. Eanna a une lumière dans le sourire et son charme dévastateur fait que l’on comprend immédiatement pourquoi Joan tombe amoureuse de lui."