Le Bouthan, petit royaume bouddhiste situé à l’est de la chaîne de l’Himalaya, fait rarement la une de l’actualité internationale. Méconnu des Occidentaux, il est surnommé « le pays du bonheur ». N’en a-t-on fait le pays du Bonheur national brut !! Réputation usurpée contestent ceux qui pointent du doigt les mauvais traitements infligés aux réfugiés népalais, l’importance du chômage des jeunes et la multiplication des violences familiales… Mais le propos du film est autre…
Le bout du bout du monde, c’est Lunana, hameau niché à 4800 m d’altitude, cinquante-six habitants, des yacks, et une école sans tableau noir ni électricité…. Dans la capitale Thimphou, Ugyen suit des études d’instituteur. Sans grande conviction car le jeune homme, fasciné par la culture occidentale, rêve d’embrasser une carrière de chanteur pop en Australie. La directrice de son école, pour le punir de son manque d’investissement dans ses études, l’envoie effectuer un stage de plusieurs mois à Lunana…. Après un long voyage en car jusqu’à Gasa, tout au nord du pays et six jours de marche, Ugyen découvre Lanana…. Accroché à ses écouteurs et ses gadgets, il va devoir apprendre une autre réalité…. A peine arrivé, il prévient le chef de village qu’il lui est impossible de s’installer pour plusieurs mois dans ce coin le plus isolé de la planète. Une information qui ne suscite ni inquiétude, ni agressivité au sein de la population : tout juste sourires et acquiescement poli. Tous savent que les trésors de patience, de calme et de sérénité dont ils disposent sont finalement des atouts bien plus convaincants que tous les biens matériels qu’offrent les rutilantes villes modernes. Leur talent à les manier, additionné au respect que son statut d’érudit lui octroie, a tôt fait de persuader notre jeune enseignant qu’une expérience de vie inédite lui est offerte. La simplicité et l’humour des habitants… Le principe d’un citadin blasé qui découvre les valeurs les plus fondamentales de l’existence lorsqu’il est plongé dans un monde rustique et rudimentaire, c’est presque aussi ancien que le cinéma. Mais sur ce canevas classique, le réalisateur Pawo Choyning Dorji réussit un film sincère et authentique, à la lisière du documentaire : la plupart des habitants de Lunana, à commencer par les enfants – craquants de naturel – n’avaient jamais vu un film de cinéma de leur vie, et l’équipe technique du projet a dû convoyer tout le matériel (caméra, éclairage, groupe électrogène) sur plus de soixante mules pour rendre le tournage réalisable. Leurs efforts n’ont pas été vains, il se dégage de "L’école du bout du monde" une vraie poésie, mâtinée d’une certaine mélancolie face à ce monde d’antan menacé par le changement climatique et les assauts de la modernité. Les images de fin montre Ugyen chantant dans un bar australien dans l’indifférence générale…qui finit par entonner la chanson que lui a apprise Saldon, jeune femme du village, bergère solaire qui chante face aux cimes enneigées, pour remercier les dieux, les yacks, les hommes…. Un beau film, aux allures de conte de fée consacrant la beauté des paysages verdoyants, la sagesse de ses habitants et la soif de connaissance des enfants, son intrigue est sans surprise mais elle est touchante et pleine de bons sentiments, ce qui ne fait pas de mal ces temps-ci….