L’Événement a obtenu le Lion d’or — la plus haute récompense attribuée — lors la Mostra de Venise 2021, présidée par Bong Joon-ho. Audrey Diwan succède à Chloé Zhao, récompensée pour Nomadland. Le film a aussi été en lice pour représenter la France aux Oscars mais c’est finalement Titane de Julia Ducournau qui a été choisi.
L'Événement a gagné plusieurs prix en festivals :
- Lion d'or du Festival de Venise 2021
- Grand Prix et Prix SFCC du Festival de Saint-Jean-de-Luz 2021
- Coup de cœur du Jury du Festival du Croisic 2021
- Prix du Public du Festival de La Roche-sur-Yon 2021
L’Événement est tiré du roman du même nom d’Annie Ernaux, publié en 2000. « J’ai été marquée par la différence entre une formule balisée : avortement clandestin, et la réalité concrète de ce processus. J’ai d’abord pensé au corps de cette jeune femme [...]. Et le dilemme auquel elle se trouvait alors confrontée : avorter en risquant sa vie ou y renoncer et sacrifier son avenir. Le corps ou l’esprit. Je n’aurais pas aimé avoir à choisir. Toutes ces questions se posaient de manière concrète dans le texte initial. J’en ai cherché la traduction à l’image, une définition charnelle qui permette de faire de ce récit une expérience physique », explique la réalisatrice Audrey Diwan.
Audrey Diwan a d’abord passé une journée avec Annie Ernaux, durant laquelle l’autrice a revisité en détails l’époque décrite dans son livre. « Quand Annie Ernaux a évoqué le moment précis de l’avortement, les larmes lui sont montées aux yeux, vestiges de ce que la société a imposé à la jeune fille qu’elle était. J’étais troublée par la vivacité de cette douleur. J’y ai souvent pensé en écrivant », rapporte la réalisatrice. Par la suite, elle lui a fait lire chaque nouvelle version du scénario.
Au-delà de décrire une époque durant laquelle était interdit l’avortement, L’Événement se veut une exploration des sensations. Audrey Diwan voulait « traiter ce suspense intime qui croît tout au long du récit. Les jours qui passent, l’horizon qui rétrécit et le corps comme une prison. » Le récit porte également sur l’ascenseur social : Anne est une prolétaire qui peut accéder à une classe sociale supérieure grâce aux études mais dont le transfuge est menacé par sa grossesse. « Avoir vingt ans, c’est déjà chercher sa place dans le monde. Comment le faire quand on risque son avenir à chaque instant ? », s’interroge la réalisatrice.
Révélée en 2011 dans My Little Princess face à Isabelle Huppert, Anamaria Vartolomei incarne le premier rôle de L’Événement. Audrey Diwan se souvient : « Elle avait, dès les premiers essais, la dimension physique nécessaire au rôle, quelque chose qui est de l’ordre du mystère et de la puissance. Elle a cette peau diaphane, ce regard très intériorisé, et à la fois très ouvert sur le monde, difficile à décrypter et captivant à la fois. Elle fait passer beaucoup avec peu de choses, minimaliste dans son approche du jeu. »
La réalisatrice a choisi de tourner en 1.37 : « Ce format ramassé me permettait de contourner l’idée de reconstitution pour me concentrer sur l’essentiel. J’y voyais la possibilité d’écrire mon récit au présent. » Laurent Tangy, chef opérateur, développe : « Elle désirait se focaliser sur son personnage, qu’elle ne soit pas un « élément » du décor, mais le centre. Le spectateur vit donc avec elle les événements, sans les anticiper. Il peut être surpris à tout moment par le surgissement dans le cadre d’autres personnages, ou d’éléments imprévisibles. »
Désireuse de faire corps avec son héroïne, Audrey Diwan a poussé son chef opérateur, Laurent Tangy, à trouver un rythme commun avec Anamaria Vartolomei : « Nous voulions sans cesse être à la hauteur du personnage, voir ce qu’elle voit, faire le point sur ce qu’elle regarde. » L’actrice renchérit : « On formait un seul corps, une entité à trois têtes. Audrey cherchait une dimension viscérale. Laurent était tout le temps derrière moi, «à» mon épaule. Ma peau, le moindre de mes mouvements. » Le chef opérateur a ainsi privilégié la caméra à l’épaule pour épouser les mouvements de l’héroïne.
Bien qu’elle ne souhaitait pas choquer à tout prix, Audrey Diwan ne pouvait pas faire l’impasse sur la souffrance physique et morale de son héroïne. Il était primordial de ne pas détourner le regard aux moments les plus durs : « Et surtout d’accepter de les filmer dans la longueur, sans couper. Car je ne voulais pas de séquence théorique où l’on comprend ce que traverse le personnage sans l’éprouver. »
Afin de construire son personnage, Anamaria Vartolomei a regardé sur les conseils d’Audrey Diwan Rosetta, Le Fils de Saul « pour son côté déambulations hallucinatoires, la dimension réaliste et éprouvante de ce que traverse le personnage », ainsi que Black Swan pour la relation mère-fille. Pour les besoins d’une scène où elle devait jouer la peur et la douleur physique, l’actrice a porté une oreillette qui diffusait un tic-tac constant : « J’étais comme une bombe à retardement. Et plus j’avançais, plus ce son de métronome devenait fort. Ça me mettait dans un état d’irritation maximal. J’avais un vertige. Ça a vraiment influencé ma façon de marcher, ça a façonné aussi les expressions de mon visage à ces moments-là. »