Dans son précédent film, Les Lauriers-roses rouges, la réalisatrice Rubaiyat Hossain suivait une actrice de théâtre cherchant l’équilibre entre sa carrière et sa vie personnelle. Parmi les personnages secondaires, il y avait celui d'une jeune femme qui quittait son emploi de domestique pour aller travailler dans un atelier de couture. C'est elle qui est l'héroïne de Made In Bangladesh.
Après s'être intéressée à une femme de classe moyenne dans Les Lauriers-roses rouges, Rubaiyat Hossain suit le destin d'une ouvrière. Elle espère ensuite faire un film sur une femme très riche. Pour Made In Bangladesh, elle a effectué des recherches pendant trois ans et a été aidée par Daliya, une ouvrière syndicaliste. "Cette femme a été horriblement maltraitée, prisonnière d’un mariage abusif, mais son souhait était de retrouver une forme de dignité. J’ai pu commencer à écrire mon scénario, librement inspiré des vrais événements de sa vie", raconte la réalisatrice. Daliya a notamment été consultante sur les dialogues et a appris aux comédiennes à utiliser une machine à coudre.
Le tournage a eu lieu dans une usine abandonnée, avec de vraies couturières et des machines et accessoires loués. Le plateau était fermé et le nombre de visiteurs était limité pour éviter qu'aucune fuite n'ait lieu dans la presse. S’attaquer à un tel sujet dans un pays où les patrons de l’industrie textile sont si proches du pouvoir politique peut être dangereux.
Pour l'héroïne de son film, la réalisatrice s'est inspirée de Norma Rae avec Sally Field et de Rosetta des frères Dardenne. Quant aux couleurs du film, elles ont été insufflées par les peintures sur les "rickshaws", les pousse-pousse d’aujourd’hui. "Ceux de Dacca sont couverts de couleurs vives, alors même que la ville peut être très sombre, à cause des pénuries d’électricité. Il y a des éclats de couleurs. J’ai demandé aux gens de la déco d’utiliser les couleurs de façon très tranchée. Et parfois de juxtaposer obscurité et couleurs" explique la réalisatrice.
La réalisatrice revient sur sa collaboration avec la directrice de la photographie, la belge Sabine Lancelin : "Sabine a été formidable, je me suis vraiment appuyée sur elle. Elle est arrivée quelques semaines avant le tournage, je l’ai emmenée sur tous les décors. Je voulais qu’elle s’imprègne de leur atmosphère. Nous avons préparé le découpage. [...] Et elle était toujours à mon écoute même si elle a beaucoup plus d’expérience que moi".
Le Bangladesh est le deuxième plus grand exportateur mondial de vêtements derrière la Chine. Environ 4 millions d’ouvriers sont employés à bas coût dans quelque 4 500 ateliers, fabriquant à tour de bras des vêtements pour les distributeurs occidentaux comme H&M, Primark, Walmart, Tesco, Calvin Klein, Gap, Carrefour ou Aldi. Les exportations du secteur textile représentent 80% des exportations totales du pays. Au total, 60% des habits vendus en Europe proviennent des usines bangladaises. Ce business rapporte 30 milliards d’euros par an.
Les ouvriers et ouvrières du textile au Bangladesh sont les plus mal payé.es au monde. À noter que les femmes (parfois mineures) représentent 85% de la force de travail. Il n’y avait pas eu d’augmentation du salaire minimum depuis la catastrophe du Rana Plaza en 2013, quand un bâtiment industriel abritant plusieurs usines de confection s’est effondré, tuant plus de 1130 travailleurs et travailleuses. Le ministère du travail a annoncé en décembre 2018 une revalorisation du salaire minimum mensuel à hauteur de 8 000 taka (82 €) contre 5 300 taka (54 €) auparavant : une hausse insuffisante selon les syndicats de travailleurs et travailleuses.