« Les Apparence » est une sorte d’hommage au cinéma d’Hitchcock, et je ne sais pas pourquoi pendant la séance, je pensais précisément à « Vertigo ». La musique, le faux rythme du film, les héroïnes toutes blondes et impeccables, une filature en voiture qu’on croirait sorti d’un film des années 50, le milieu hyper bourgeois dans lequel le scénario s’inscrit ; beaucoup de chose concourent à faire penser au maitre du suspens. Alors c’est vrai, du coup, la réalisation de Fitoussi fait un peu « old school », mais il y a de jolis plans un peu géométriques, il joue avec le hors champs, rythme son film sans jamais laisser trop de temps morts, calibre ses scènes pour qu’elles durent juste ce qu’il faut, franchement, c’est plutôt du beau travail, classique mais soigné. Même s’il ne néglige pas les seconds rôles, c’est bien autour de Karin Viard que le film est construit. Dans le rôle de cette femme un peu hautaine, parvenue et mondaine, elle est immédiatement antipathique, dés la toute première scène où elle humilie sa mère lui fait honte de par ses origines. Elle est parfaitement taillé pour ce genre de composition, Karin Viard, loin des femmes un peu délurées qu’on lui fait parfois incarner, ici elle est juste comme il faut de froideur, en animal blessé mais sans pitié aucune. A ses côtés, Benjamin Biolay ben… Il fait du Benjamin Biolay. Bon, je vais être franche, en tant qu’acteur je n’ai jamais été convaincu par aucune de ses prestations et ici, pas plus qu’ailleurs. Sa diction un peu atone, son air d’éternel Droopy qui n’arrive pas à faire passer une émotion franche, je n’adhère pas, désolée… Mais bon, ça doit venir du moi puisque tout le monde trouve merveilleux ! Pascale Arbillot ou Evelyne Buyle ont des jolies compositions à jouer, en tant que seconds rôles, et j’ai une tendresse pour la seconde qui transpire la sincérité et l’innocence. Et puis il y a Lucas Englandern dans un rôle dont il ne faut rien dire pour ne pas déflorer l’intrigue mais dont la composition insondable apporte une vraie (et efficace) impression de malaise. En apparence, le scénario s’éparpille un peu et donne l’impression de partir dans tous les sens mais en réalité, il n’en est rien. Je le trouve même au final assez cohérent et le suspens fonctionne jusqu’au bout.
On se doute d’emblée que tout cela ne va pas bien finir
mais on se laisse embarquer dans ce thriller qui nous ballade à droite, à gauche, jusqu’à la toute dernière scène, imparable et cruelle. « Les Apparences », c’est l’histoire d’une femme blessée
qui ne pense qu’à une chose, se débarrasser d’un problème qui menace sa réputation et surtout son style de vie si confortable. Pour cela, tout est bon, qu’importe les frontières morales, les scrupules, les dégâts collatéraux : il faut faire place nette, quoi qu’il en coute ! Mais Eve, drapée dans sa dignité de femme bafouée, néglige plusieurs choses, elle sous-estime certaines personnes, certaines situations et pourrait bien être emportée par la tempête qu’elle est elle-même déclenchée.
C’est un scénario malin, bien écrit, bien mené, issue probablement d’un roman noir solide et efficace. « Les Apparences », c’est aussi l’occasion de voir évoluer ces fameux expatriés, et le scénario n’est pas tendre avec eux. Ils sont dépeints comme complètement repliés sur leur communauté, ne se fréquentant quasiment qu’entre-deux, ce qui donne au final une sorte de petit panier de crabe où tout le monde sait tout sur tout le monde, où tout le monde juge tout le monde. Malheur à celui ou celle qui voudrait s’en tenir éloigné et échapper à leur codes, ils seront tôt ou tard condamnés à « retourner en France, les pauvres… ». Le snobisme érigé en art de vivre, sans plus aucun sens des réalités, ils sont dépeints comme des bourgeois parvenus, imbus d’eux-mêmes et de leur petit monde sous cloche ! On se demande même, au bout d’un moment, pourquoi Eve tient tant à rester dans ce monde où tout sonne faux et qui ressemble à une cage dorée. En résumé, « Les Apparences » est un film noir qui tient la route, une sorte de film hitchcockien version 2020, qui certes dépeint le monde des expatriés à gros traits, qui certes tire un tout petit peu en longueur sur la fin, qui certes laisse filer quelques petites incohérences, mais qui dans son ensemble, est cohérent, solide et fait passer un très bon moment de cinéma.