Il fut un temps où j'aimais beaucoup Marc Fitoussi. « Copacabana » et « Pauline détective » sont deux films m'ayant enchanté comme rarement au cinéma ces dernières années, confirmant les bonnes intentions du sympathique mais inégal « La Vie d'artiste ». Mais depuis, j'avoue pas mal déchanter. Certes, « La Ritournelle » se regardait sans aucun déplaisir, sans provoquer, loin s'en faut, l'enthousiasme des deux précédents titres. Et alors qu'il avait tout pour me plaire, « Maman a tort » m'avait beaucoup déçu : assez mou, peu mordant, traitement très partiel du sujet... Puis il y a eu cette bande-annonce, plutôt séduisante, évoquant un thriller dans la grande tradition du genre, sans que je tilte vraiment que c'était lui derrière la caméra. Grand amoureux de Karin Viard depuis longtemps et ne pouvant que constater une programmation cinématographique toujours aussi atone, je n'ai que peu hésité, ce changement de registre pouvant apparaître comme une aubaine pour se relancer : nous en sommes loin... Les premières minutes sont à la limite de l'insupportable : personnages odieux, méprisants, condescendants : des grands bourgeois enfermés dans leur luxe et leurs problèmes de riches sans se préoccuper une minute des autres : pour tout vous dire, j'ai même songé quelques minutes à quitter la salle, ce qui ne m'est jamais arrivé une seule fois (de partir, pas d'y penser : faut pas déconner, non plus). Il y a de très gros problèmes dans ce film : celui-ci est probablement le plus important. Comment s'intéresser, s'attacher à une héroïne pareille, un tout petit peu moins pire que son mari, mais quand même assez détestable ? À partir de là, Fitoussi aurait pu offrir le meilleur scénario du monde (ce n'est pas le cas), je n'aurais pu adhérer totalement tant son sort et son « honneur » bafoué nous indiffère. Mais il n'y a pas que ça : passons encore
l'aventure très peu crédible de son chef-d'orchestre de mari avec l'enseignante de leur fils (clichééééé)
: voilà qu'au-dessus de ça, on nous rajoute une histoire de jeune homme pervers obsédé par notre protagoniste (il est bien le seul) auquel on ne croit pas un instant tant tous ces éléments dans un même film le rendent boursouflé, invraisemblable. Donc, on résume :
des personnages antipathiques, un adultère dont on se préoccupe peu, un dingue sorti de nulle part
... Et pourtant, je n'ai pas envie de tout jeter. Je songe en particulier à une deuxième partie plus intéressante, notamment dans sa description de l'humain. En effet, on finit enfin par voir la femme derrière la nantie, avec ses (violents) coups bas, Viard, surjouant au départ la fausse sobriété, devenant nettement moins irritante car plus vulnérable, enrichissant un peu la dimension polar quant à cet engrenage où un événement initial va entraîner une suite de choix personnels non sans conséquences à tout point de vue. Sur ce simple aspect, c'est plutôt habile et bien pensé, le « twist » spectaculaire attendu n'arrivant finalement jamais, ce qui n'est pas une si mauvaise chose. Formellement, le boulot est fait très correctement, l'interprétation plutôt convaincante (par contre, si le cinéma emmerde tant que ça Benjamin Biolay, non seulement il ne faut plus lui proposer de rôles, mais il doit aussi les refuser : la nonchalance et le manque d'investissement ont leurs limites). Et la toute dernière scène (ou presque) permet de mettre en lumière quelques vérités gênant jusqu'alors l'authenticité du récit, comme si le réalisateur en avait toujours été conscient mais n'avait jamais cherché à les corriger avant ce dénouement. Cela permet de terminer sur une bonne note, au point que lui accorder la moyenne m'a traversé l'esprit. Mais ce serait oublier trop vite ma détestation des uns et des autres, ces deux intrigues parallèles dont l'une n'a quasiment pas d'intérêt, certaines invraisemblances ahurissantes
(dire que cette pauvre professeur des écoles n'a même pas pensé à modifier son mot de passe après s'être fait pirater sa messagerie, sans oublier son changement d'identité après avoir été suspectée d'être une meurtrière d'enfant quelques années auparavant : whaou, même Shonda Rhimes n'aurait pas osé)
. Ce n'est clairement pas avec ce film que je me réconcilierais avec Marc Fitoussi. Au contraire. Pourtant, je garde quelques motifs d'espoir : certains dialogues, cette efficacité à construire (une partie de) son récit et donc de terminer sur une dernière ligne droite plutôt correcte, moins prévisible que prévu. Une dernière chance ? Éventuellement, mais vraiment la dernière...