J’avoue être troublé par le point de vue de la réalisatrice. « Slalom » ne chausse pas de gros sabots et ne glisse pas avec autant d’évidence.
En ce qui me concerne, pendant plus d’une bonne heure, « Slalom » déstabilise mes émotions, je ne sais pas trop quoi penser de Lyz (Noée Abita) et de Fred (Jérémie Renier), pourtant, il ne devrait pas y avoir photo, il ne devrait pas y avoir d’hésitation : Fred est un personnage toxique. Oui, son emprise et ses agressions sexuelles sur une ado sont légitimement condamnables et passibles d’emprisonnement. Point barre.
Toutefois, la réalisatrice Charlène Favier semble s’amuser avec les sentiments du spectateur, en tout cas avec les miens. Si le but de la réalisatrice est de skier avec subtilité pour décrire une situation faussement normale, pour culpabiliser son spectateur, alors c’est réussi. Je veux penser plutôt que la réalisatrice veut décrire une situation qui n’a rien de manichéenne, il n’y pas d’un côté un méchant prédateur, Fred, et de l’autre une victime, Lyz. L’un, nécessairement faible, fragile, malade est tombé dans le piège d’une maladroite. En effet, la réalisatrice ne manque pas de nous montrer une ado qui est animée d’un trouble pour Fred. Comment interpréter la séquence du véhicule conduit sur un circuit sur glace ? On sent bien le trouble de Lyz. Elle semble espérer être embrassée par Fred. Evidemment la scène qui suit est terriblement malaisante avec un Fred incapable de maîtriser ses pulsions sexuelles en forçant Lyz à libérer de force son désir niché entre ses jambes. Mais si Fred avait tout simplement déposé un baiser délicat sans même avoir pris la précaution de demander à Lyz, aurait-on parlé de viol ? D’agression sexuelle sur mineure ?
Je reste persuadé qu’une relation majeur-mineur existe sous le manteau. Tant que ça se passe bien, tant que la discrétion est verrouillée, tant qu’il y a tout simplement consentement, amour. Mais là, est un autre sujet… de film.
« Slalom » ne se contente pas de slalomer entre les piquets plantés sur une piste enneigée, il slalome sur l'émotion pour finir sa course sans aucune ambiguïté :
les scènes qui suivent prouvent que Lyz est bien la victime d’un prédateur sexuel qui a abusé de son pouvoir d’entraîneur sur une athlète adolescente de surcroît.
Mais j’irai plus loin, Lyz est victime de sa maladresse.
Le fait de poser la question suivante : « Lyz est-elle pour autant innocente ? » signifie implicitement qu’elle a provoqué le prédateur. C’est pourquoi, je préfère employer maladresse. Oui, Liz est victime de sa maladresse.
Il est à rappeler que Liz était enchantée de partager le même toit que son entraîneur, elle a forcé la décision et auprès de sa mère et auprès du directeur du centre étude et sport. Tout dans son attitude traduisait un trouble amoureux. Quelques scènes plus tard, la compagne de Fred quitte le domicile, cela ne semble pas déplaire à Liz.
Bref, je me pose la question suivante ?
Ai-je bien saisi la portée du récit ?
Ai-je bien compris la réalisatrice ?
Comment interpréter les signes de Lyz ?
Une ado a le droit d’avoir un trouble amoureux pour son entraîneur, elle a le droit d’être maladroite en donnant des signes de consentement mais pour autant l’adulte ne doit pas avoir un comportement inapproprié.
En tout cas, la relation Noée Abita et Jérémie Renier fonctionne parfaitement. Et par instants, le jeu troublant de Noée m’a troublé au point de me piéger sur le comportement parfois ambigu de Lyz.