Une réalisation très cohérente et rigoureusement argumentée articule des témoignages de victimes d’agressions avec un exposé de professionnels. Ils détaillent avec une grande précision, une conviction, et souvent une jubilation aboutie, la théorie sexuelle qui guide leur pratique.
Ces médecins psychiatres, psychologues, ancien pédiatre ou psychanalystes engagés dans leurs publications sont considérés comme spécialistes de la relation humaine et de la santé mentale en France. Des auditions au Sénat les introduisent, dont celle de la parentalité, et la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les abus sexuels perpétrés au sein de l’Eglise.
Cette légitimité du casting pourrait faire craindre des digressions et des développements redondants caractéristiques des discours psychanalytiques dans les congrès, mais non. Le montage nous coupe des habituelles reformulations au pouvoir parfois fascinant. La réalisatrice met en valeur les convictions professionnelles, qui se révèlent remarquablement calibrées et complémentaires.
La compréhension devient globale, synthétique et nette. Des arguments extérieurs, vérifiables, parfaitements sourcés sur nos réalités basiques et communes, accentuent l'irréalité. Un un malaise salutaire se forge rapidement. Il interroge non seulement l'idéologie orthodoxe, mais interpelle la capacité culturelle à construire toute interprépation de relation et du développement du nourrisson et de l'enfant à partir de "pulsions sexuelles".
Une démonstration implacable. Apparaissent au grand jour des empilements de contradictions, qu’ils soient d’ordre anatomiques, historique, culturels, éthiques. Toutes les caractéristiques révisionnistes sont là. Preuves à l’appui. Un non sens total appliqué aux «soins», à la «cure».
Une jeune femme à la recherche d'aide pour son équilibre. Elle expérimente ces concepts appliqués à sa santé. Il lui faut puiser dans ses ultimes ressources pour résister au suicide: une professionnelle l’assure que son salut ne peut passer que par son cabinet, sans limitation de durée, payable en espèces y compris lors d’une absence, justifiée ou non. Double victime, double peine. Un engrenage aux caractéristiques sectaire.
Des victimes parlent de ce qu’elles ont vécu lors de ces pratiques. Leurs témoignages sont édifiants, et se posent totalement en adéquation avec les exposés sur la théorie sexuelle.
Sexisme, négation de la femme, culture de la culpabilité par nature, pouvoir de créations de maladies par la pensée inconsciente, minimisation des perversions, valorisation de l’inceste, justifications toujours «symboliques», y compris celle de la pédophilie.
Ces professionnels d’obédience psychanalytique s’investissent dans la diffusion et l’enseignement universitaire, dispensent les fondamentaux de la psychologie, y compris dans des associations de formations des travailleurs sociaux et paramédicaux. Elles forment des experts judiciaires.
Alors, bien entendu, ce documentaire dérange. Mais il ne dérange pas les victimes.