Nora est une jeune femme de 19 ans qui sort de prison. Ayant avant tout soif de liberté, elle semble se dire sans cesse à elle-même, tournant cette idée dans tous les sens, s’érigeant contre une forme d’aliénation sociale : pourquoi sortir d’une prison pour rentrer dans une autre ? Nora cherche à ne pas se retrouver enfermée dans les normes sociales et les conventions qui seraient pour elle une seconde prison. Dennis Berry poursuit au sujet du deuxième personnage principal :
"Léa a 27 ans. Elle est poète, chanteuse, performeuse, artiste, elle vit en marge. Son piège à elle est d’une autre nature, mais pas moins terrible : elle doit son actuelle renommée à un désastreux scandale sexuel sur les réseaux. Elle a beau s’être enfuie, elle n’est pas libre. Plus elle cherche à créer de la singularité, se montrer différente, unique, à travers ses créations sur scène comme signe de révolte, plus elle sera récupérée et sa révolte et sa différence un élément de vente. Elle est devenue pour un petit milieu londonien underground une égérie. Plus cela se vend, plus elle se socialise, plus elle s’aliène."
Dennis Berry a voulu que deux grands thèmes traversent Sauvages : l’amour et la liberté. Le metteur en scène confie : "Tout dans la préparation, la création, l’élaboration du film, a été dicté par la liberté. Ce fut un véritable luxe d’être aussi libre, j’ai écrit ce film au jour le jour sur le tournage pour avancer sur une corde raide, sans savoir où l’on allait, pour me mettre en danger, ne pas assurer mes arrières, exalté par le danger, espérant que cela créé une cristallisation formelle."
Il y a, dans ce film, la volonté de mettre en scène la rencontre amoureuse entre deux projections mythologiques. Léa, qui a l’aura d’une figure de l’underground londonienne permet à Nora de se projeter en elle, de s’y voir comme une poète et artiste rebelle, ce à quoi elle aspire au fond d’elle. Pour Léa, elle projette sur Nora, ancienne détenue sortie de prison, le mythe de la délinquante. Léa voit en elle quelque chose de plus primitif, de plus sauvage, de plus vivant encore dans la révolte que tout ce que Léa a pu imaginer à Londres ou dans son art. Léa trouve dans son amour pour Nora une nouvelle inspiration, un nouvel élan créatif.
"J’ai voulu faire comme si je faisais un premier film et oublier tout ce que je savais et les soit disant a priori du métier. Etre du côté des amateurs passionnés plutôt que du côté des professionnels. Je cherchais à ce que le cinéma passe par là, au degré zéro, parfois fait à l’arrache, presque en mercenaire, avec comme principaux moyens notre imagination, cherchant à créer sur l’écran de l’émerveillement."
La liberté des personnages a naturellement rejoint l’idée que ce film s'est construit sous le signe du désir. Dennis Berry explique : "Les actrices désiraient tout autant jouer dans ce film que moi de les filmer. Faire le portrait de ces deux jeunes femmes, faire éclore à l’écran leur talent, travailler les gros plans, les incessants jeux de regards, trouver une équivalence formelle à la recherche de Beauté de ces deux jeunes femmes poètes : tels ont été nos obsessions en nous aventurant tous ensemble dans ce film. Il fallait que le film soit traversé de moments de rupture poétique pour être au coeur de la turbulence que traversent nos héroïnes. Il ne pouvait pas y avoir de quiétude, ou bien elle ne pouvait être que temporaire, fuyante, toujours repoussée par une incapacité à se satisfaire d’un ordre étouffant."