Après La Prière (2018), film qui abordait le sujet de la sortie de la dépendance à la drogue dans un cadre pour le moins singulier, Cédric Kahn semble aujourd’hui proposer un film beaucoup plus convenu. La réunion de famille qui vire au règlement de compte, on a déjà vu ça au cinéma en plus d’une occasion. Néanmoins, même s’il s’agit d’un sujet qui n’a rien de follement original, le réalisateur parvient habilement à tirer son épingle du jeu, tant et si bien que le film captive d’un bout à l’autre. Cette réussite repose, pour beaucoup, sur l’écriture inventive du film, sur la finesse avec laquelle chacun des personnages est conçu et, bien sûr, sur une belle brochette d’actrices et d’acteurs.
Ces derniers sont trop nombreux pour tous les nommer. Précisons cependant qu’à la fête de famille participent, entre autres, Andréa (Catherine Deneuve), la mammy dont on célèbre l’anniversaire, ses deux fils Vincent (Cédric Kahn), accompagné de sa femme et de ses enfants, et Romain (Vincent Macaigne), arborant sa petite amie du moment, ainsi que sa fille Claire (Emmanuelle Bercot), survenant à l’improviste, à la surprise générale (ou, du moins, le croit-on). Si cette dernière n’était pas vraiment attendue, c’est parce qu’elle avait quitté la France pour les Etats-Unis depuis plusieurs années. Or la voilà qui non seulement est de retour, mais qui met les pieds dans le plat en réclamant sa part d’héritage.
Andréa a beau demander qu’à l’occasion de son anniversaire, on ne parle que de choses joyeuses, chacun semble y mettre du sien pour semer le trouble ou aborder les sujets qui fâchent. L’arrivée de Claire, que la plupart des membres de la famille jugent folle au point de vouloir l’interner, sert de catalyseur ou de révélateur, mettant à nu, petit à petit, tout ce qui est caché. Même sa fille adolescente, qui est restée en France pendant toute la durée de son séjour en Amérique, la rejette de la manière la plus implacable. Romain, de son côté, paraît comme obsédé par la réalisation d’un film dont il ne sait pas expliquer clairement la teneur, si ce n’est qu’il a besoin de tourner des scènes prises sur le vif à l’occasion des retrouvailles de famille. Même les plus jeunes mettent leur grain de sel en préparant un spectacle au cours duquel (c’est ce qu’affirme la fille de Claire), ils vont « tout balancer » !
Les retournements et les surprises ne manquent pas, ce qui fait qu’on n’est jamais pris en défaut de s’ennuyer. Au contraire, Cédric Kahn réussit, de la manière la plus adroite, à agencer autant de cocasserie que de tragédie, relançant toujours l’attention. Car le scénario ménage des scènes d’une irrésistible drôlerie, pour mieux ensuite nous sidérer avec des scènes dramatiques et émouvantes. C’est du grand art, lorsqu’on parvient, dans une même œuvre, à faire rire autant qu’à susciter l’effroi. Cédric Kahn a parfaitement relevé cette gageure.