Bêtes Blondes est construit en trois parties de manière non linéaire, par tableaux qui sont autant de rebondissements imprévisibles. Le point de départ du film vient d’une citation de l'écrivain, poète et peintre Henri Michaux, sur quelqu’un qui part chercher un baiser et revient avec une tête. Les réalisateurs Maxime Matray et Alexia Walther l'on trouvée très cinématographique et le projet s’est ensuite construit par morceaux et assemblages au cours de différentes périodes de travail. Ils expliquent :
"C’est peut-être parce qu’on est deux et qu’on vient des arts plastiques mais, en tout cas, dans un premier temps, l’écriture procède par à-coups, par juxtapositions, par collages, confrontations et corrections successives d’images, de textes et de sensations, quelque chose d’un peu « dionysiaque ». Puis, dans un deuxième temps, ça devient plus « apollinien », il s’agit surtout de soustraire des éléments, de cadrer et de polir l’ensemble. C’est ce qui prend le plus de temps, mais qui fait aussi que le film est très proche de la dernière version du scénario et nous avons monté pratiquement tout ce que nous avons tourné. Nous avions le désir de suivre un personnage qui était comme un chien vagabond, le personnage de Fabien, et de construire et confronter deux trajectoires parallèles, celles de Fabien et de Yoni. Ces trajectoires sont au départ très dissemblables, mais sont toutes les deux infléchies très fortement par du vide, par une absence. Il manque quelque chose à ces deux personnages, ils se rapprochent de manière un peu animale, à l’instinct, puis le film choisit de les amalgamer."
Maxime Matray et Alexia Walther ont co-réalisé Bêtes blondes ensemble. Ils nous en disent plus par rapport à la question de la répartition des tâches : "C’est une manière de faire qu’on développe ensemble depuis plus de dix ans. On parle beaucoup entre nous. L’un de nous s’occupe de l’image, l’autre des acteurs. Disons que Maxime a plus le souci du détail, Alexia voit plus les choses dans leur ensemble, avec un sens du rythme et de l’impression que va produire le film. Et ensuite, on inverse, et on se surprend l’un l’autre. C’est agréable d’être deux pendant le processus d’écriture, on discute beaucoup aussi quand on écrit."
Bêtes blondes est entièrement constitué d'un monde d’illusion. Ce sont des miroirs qui ne reflètent pas la réalité mais qui reflètent des désirs, comme dans les contes de fées. Maxime Matray et Alexia Walther précisent : "Il y a effectivement plusieurs moments qui affirment la dimension du conte. Comme lorsque Fabien et Yoni se retrouvent dans la serre avec le crapaud. Yoni, totalement hermétique à la lecture "enchantée" du monde que Fabien lui propose, finit tout de même par boire la bave du crapaud, mais malgré lui. Et il se produit alors exactement ce que Fabien lui a promis : la réalisation d’un souhait."
Le film fonctionne par tableaux mais aussi par univers, et le personnage de Fabien (Thomas Scimeca), dans son mouvement, passe d’un univers à l’autre par des frontières souvent bien marquées. Et chaque univers est aussi plastiquement très différent du précédent, puisqu'il contiennent chacun ses propres artifices. Des artifices qui renvoient à la fois à un monde factice et à un monde enchanté. Maxime Matray et Alexia Walther confient :
"Il y a dans l’artificialité des décors une volonté d’accompagner les états d’ivresse, de fatigue de Fabien qui produisent des hallucinations, et une perception toujours un peu brouillée, entre l’éveil et le sommeil. L’idée était aussi de trouver des décors qui ne permettent pas non plus au spectateur de savoir, tout comme le personnage de Fabien, ni où il est, ni où il va. Nous voulions par exemple une forêt la moins reconnaissable possible, qui se transforme au fur et à mesure que Fabien y progresse. On a donc choisi de filmer dans des endroits qui pouvaient paraître incertains et qui pouvaient notamment évoquer la jungle sans l’être totalement non plus. De la même façon, pour la première maison, nous cherchions une architecture qui ait l’air presque californienne, qui évoque un peu le début de The Swimmer, où Burt Lancaster, dont on ne sait rien, arrive de nulle part en maillot de bain, et décide de rentrer chez lui en traversant, les unes après les autres, les piscines des propriétés de ses voisins. L’idée générale du film était de partir d’une nature très simple qui se transforme pour céder la place à des images qui vont paraître de plus en plus artificielles."