Les Moissonneurs se déroule dans le Free State, région d'Afrique du Sud surnommée la "Bible Belt" (ceinture biblique), coeur de la culture afrikaner. C'est grâce à Reza de Wet, auteure dramatique qui fut sa professeure, que le réalisateur a découvert cette province : "Partout des champs de maïs, des fermes et des églises. [...] Il y a quelque chose de mystérieux et puissant dans le paysage, quelque chose qui vous saisit et ne vous lâche plus. Posées au milieu de nulle part, ces fermes pourraient être des lieux paradisiaques, mais il y a des barreaux aux fenêtres. Et une peur farouche dans l’air. Les meurtres de fermiers afrikaners sont fréquents, sans que l’on sache qui en sont les auteurs : des ouvriers agricoles mécontents ou simplement des voleurs…"
"Afrikaner" est un vieux mot hollandais pour dire "Africain". Il désigne les descendants des premiers colons néerlandais qui se sont installés en Afrique du Sud au XVIIe et au XVIIIe siècle.
Sud-africain d'origine grecque, Etienne Kallos souhaitait se pencher sur la jeune génération d'Afrikaners, née complètement en dehors de l'apartheid : "comment vivre avec le poids du colonialisme, et même du post-colonialisme, alors qu’il faut faire aujourd’hui de l’Afrique du Sud un pays sain et paisible ? Doit-on brûler tout ce qu’ont incarné les générations précédentes pour devenir africain ?" C'est grâce à Reza de Wet, auteure de langue afrikaans la plus traduite au monde, que le réalisateur a voulu explorer la culture sud-africaine : "Je comprends ce sentiment de vivre intérieurement une fracture, d’aimer et détester dans le même souffle, de ne pas se sentir à sa place : vous grandissez au milieu d’une communauté, et puis tout à coup, à l’adolescence, vous vous rendez compte que vous n’en faites pas vraiment partie".
Les Afrikaners représentent la population qui se rend le plus au monde à l'église. Fasciné par la religion et la question de l'existence de Dieu, le réalisateur a débuté l'écriture de la deuxième version du scénario par une scène de prière qu'il a conservée, à quelques détails près, dans Les Moissonneurs : "un fils de fermiers pénètre de nuit dans la cuisine, il voit sa mère et sa tante en train de prier ; elles prient pour lui, mais sans le regarder. Elles lui disent juste qu’il y a un autre garçon dans la chambre, qu’il faut l’aimer et s’ouvrir suffisamment à lui pour qu’il devienne son frère".
Le scénario d'Etienne Kallos a été sélectionné simultanément en 2012 à la Cinéfondation, Résidence du Festival de Cannes, et au Sundance Labs, atelier de scénario du Festival de Sundance. Il a d'ailleurs gagné le Prix Opening Shot de la Fondation Gan, choisi parmi les travaux des résidents ; et le Mahindra Global Filmmaking Award, du nom d’un riche mécène de Sundance.
L'étape du casting a été quelque peu délicate en raison du conservatisme de la société afrikaner et du sous-texte sexuel du scénario. La moitié des écoles sollicitées ont refusé qu'on y organise des auditions.
Les deux comédiens principaux ont été trouvés dix jours avant le début du tournage. Si Brent Vermeulen incarne Janno, le plus fragile des deux garçons, il pratique dans la vraie vie la lutte et le rugby mais porte en lui "une capacité à s’effondrer, une puissance émotionnelle souterraine" selon le réalisateur. Il poursuit : "Paradoxalement [...] Brent est un garçon urbain fan de hip-hop et de Kanye West. Alex [van Dyk] n’avait aucune expérience de jeu, mais un charisme naturel que la caméra a tout de suite aimé. Brent est dans l’émotion intérieure quand Alex est extraverti et physique. Entre les deux, cela fonctionnait parfaitement".
Afin de mieux comprendre la culture de son chef-opérateur polonais Michal Englert, le réalisateur a regardé des films polonais classiques, dont certains avec des motifs religieux comme Mère Jeanne des Anges de Jerzy Kawalerowicz. Ensemble, ils ont sillonné l'Afrique du Sud et storyboardé le film avant le tournage. Etienne Kallos revient sur leur collaboration : "Je ne voulais pas que l’image embellisse le paysage - déjà magnifique, comme par exemple le Sterkfontein Dam, ce lac artificiel où nous avons tourné certaines scènes. Michal est très doué avec la caméra à l’épaule, donc nous avons commencé par des plans posés et progressivement évolué vers une caméra portée à mesure que Janno bascule, avant de revenir à des cadres posés à la fin, comme pour boucler la boucle".