Border a remporté le prix Un Certain Regard du Festival de Cannes 2018.
Né en Iran, Ali Abbasi a publié plusieurs nouvelles dans son pays avant de s'installer en Suède pour étudier l'architecture. Une fois diplômé, il s'intéresse à la mise en scène et s'inscrit à la National Film School of Denmark. Son premier long-métrage, Shelley, sort en 2016.
Border est adapté d'une nouvelle de John Ajvide Lindqvist, auteur du roman Laisse-moi entrer dont le film de vampires Morse est tiré. C'est justement grâce au long métrage de Tomas Alfredson qu'Ali Abbasi a découvert l'univers de l'auteur suédois : "après avoir vu le film, j’ai décidé de lire le livre. Morse a été une véritable découverte, et le film a vraiment inventé quelque chose de très novateur : le réalisme nordique, qui a véritablement revivifié le cinéma suédois. Pour être honnête, je n’aurais jamais imaginé qu’un film de genre véritablement novateur puisse venir de Suède".
Une fois plongé dans son oeuvre, le réalisateur est séduit par la lecture de Border qu'il s'entête à vouloir porter à l'écran, bien que d'autres propositions d'adaptations lui soient faites : "Border était beaucoup moins élaboré que Morse, mais, comme dans ce dernier, les personnages étaient tout aussi captivants que complexes et éthérés".
Le réalisateur a écrit le scénario avec John Ajvide Lindqvist et Isabella Eklöf. Ensemble, ils ont ajouté l'intrigue secondaire autour de l'enquête criminelle. L'auteur de la nouvelle raconte : "Ali et moi nous sommes rencontrés assez tôt, avant même que je n’écrive les premiers jets, et à ce moment-là nous avons discuté des changements possibles afin de développer davantage l’histoire. J’ai ajouté quelques éléments, mais une grande partie du travail a été effectuée par Ali et Isabella, surtout pour l’intrigue secondaire, autour de la police et des enfants. En dehors de ça, je trouve que le film reste essentiellement très proche de l’histoire originale. Border fait environ 50 pages, tandis que Laisse-moi entrer en fait 450".
Pour les besoins du film, les comédiens Eva Melander et Eero Milonoff ont pris chacun 20 kilos et subissaient quatre heures de maquillage tous les jours. Par ailleurs, Milonoff, qui est Finlandais, a appris phonétiquement le suédois. Une difficulté qui sert le récit d'après le réalisateur : "cela me paraissait logique qu’il ait quelque chose d’un peu 'étranger'. J’ai toujours pensé que Vore était un homme issu d’une contrée sauvage et non-civilisée, et comme les Suédois ont tout un répertoire folklorique et légendaire qui concerne aussi les Finlandais, cela me paraissait idéal. [...] Vore est à la fois l’un des nôtres, sans l’être vraiment".
Ali Abbasi se dit marqué par le réalisme magique de la littérature latino-américaine représenté par des auteurs tels que Gabriel Garcia Marquez, Carlos Fuentes et Roberto Bolaño : "De l’Iran à l’Amérique Latine, il y a tellement de duplicité dans ces pays-là que, d’une certaine façon, on finit par perdre le sens du réel et de la vérité". Côté cinéma, il admire Fellini pour sa capacité à associer des genres très différents, Luis Buñuel (au point d'avoir prénommé son fils Luis) et Chantal Akerman : "J’aime beaucoup la façon dont elle s’empare des choses les plus triviales de la vie pour les rendre absurdes et surréalistes".