Après La Cité Rose, Julien Abraham et ses producteurs Nicolas Blanc, Sadia Diawara et Thibault Abraham ont décidé de continuer le travail sur la jeunesse et les violences en général, mais sans faire un film de cité. Le cinéaste est alors tombé sur le livre de Richard Hellbrunn, "A Poings nommés", qui raconte la genèse de la psychoboxe, une discipline inventée par des psychologues pour déclencher la parole grâce à la boxe. "Ils l’ont surtout utilisée sur des jeunes dans des Centres Educatifs Fermés (CEF) où sont placés les mineurs délinquants. A partir de ce livre, avec l’aide d’Almamy Kanoute, un éducateur très impliqué dans la lutte contre les violences et les inégalités, nous nous sommes mis à travailler sur le scénario... pendant trois ans et demi", se rappelle Abraham.
Julien Abraham et le producteur Sadia Diawara ont voulu à tout prix coller à la réalité. Ils ont dans un premier temps rencontré Richard Hellbrunn, qui leur a donné son approbation, ce qui leur a ensuite permis de fabriquer le film autour de cette discipline. "Nous avons fait beaucoup de visites dans des CEF et rencontré des éducateurs. Cette phase de recherche a occupé notre première année d’écriture. Les portes nous ont été ouvertes grâce à nos réseaux socio-éducatifs et notre volonté de rendre l’univers du cinéma plus accessible. A titre d’exemple La Cité Rose, c’est plus de 200 ciné-débats dans les MJC, les centres sociaux, mais aussi en prison, dans les foyers, en CEF...", précisent-t-ils.
Il a bien évidemment été très difficile de demander à des gens d’un CEF de sortir d’un CEF. Julien Abraham et Sadia Diawara ont beaucoup cherché et, finalement, avec la chef décoratrice Julia Lemaire, ont décidé d’aménager un lieu intégralement (ce qui leur a donné plus de liberté de travail). "L’Etablissement Public de Santé de Ville-Evrard nous a offert cette possibilité en nous confiant une « maison » que nous pouvions aménager à notre convenance. Et de plus, l’ouverture de ce lieu, nous a permis d’amener des jeunes de CEF et de divers centres sociaux pour assister aux prises de vues. Nous y tenions beaucoup. Ils ont pu poser des questions aux équipes, et être ainsi sensibilisés aux différents métiers du cinéma. C’était la continuité du travail initié lors de l’accompagnement de La Cité Rose", confie le producteur.
Une fois les rôles définis, Julien Abraham et Sadia Diawara ont envoyé l’offre de casting à toutes les structures socio-éducatives qu'ils connaissaient et ont reçu énormément de candidatures. "Pour avancer dans la sélection, nous avons travaillé avec une directrice de casting, Marie-France Michel. On a essayé de voir le plus de monde possible. On a tout fait pour répondre à tout le monde parce qu’il n’y a pas pire qu’un jeune qui reste sans réponse. On a sélectionné les meilleurs avec qui nous avons mené des ateliers de travail autour du jeu d’acteur. Pour le rôle principal, celui de Teddy, on trouvait que MHD - qu’on ne connaissait pas mais qu’on avait entendu en interview - correspondait vraiment. On l’a rencontré. Il a dit oui après avoir lu le scénario", se souviennent-ils.
Mon frère nous plonge au coeur d’une réalité de la justice française, les Centres Educatifs Fermés, des structures créées comme alternatives à l’incarcération, en 2002 par la loi Perben. 8 à 12 mineurs y sont placés par le magistrat, à la suite d’actes délictueux ou criminels. Julien Abraham explique : "Sur le principe, on ne peut qu’être d’accord avec une institution qui permet d’éviter la prison pour les mineurs. Dans la réalité, c’est évidemment plus compliqué, et il est bien difficile d’enrayer la spirale de violence dans laquelle nombre de ces jeunes se débattent. C’est cette complexité qui m’intéresse : le sentiment de fatalité, bien sûr, mais aussi la liberté que chacun conserve de refuser la violence, comme Teddy le fait dans le film, et les efforts de tous ceux qui se battent contre cette fatalité, tous ceux qui croient en ces enfants et refusent qu’on les enferme - dans une prison ou dans un destin joué d’avance."