« FILLES DE JOIE », UN TRISTE FILM RACOLEUR DE VICTIMISATION SYSTÉMATIQUE DES FEMMES !
Voilà ! Début du déconfinement faisant, les salles de cinéma rouvrent dans l’Hexagone et quelques films n’ayant pas eu le temps de se faire connaître du public, ainsi que certains dont la date de sortie était prévue le mercredi qui fut le premier du confinement, sont à l’affiche.
Parmi les rares nouveaux films se trouve « Filles de joie », une co-réalisation belge présentant un trio d’actrices incarnant des prostituées.
Au premier abord, on peut se dire que c’est une bonne nouvelle qu’un film pro-légalisation de la prostitution se fasse. Sauf que, en réalité, la vision de celle-ci est tout à l’inverse manichéenne, d’un féminisme « crasse ».
Comme nous avions prévu d’en parler dans notre dernier numéro papier « pré-confinement » sans avoir pu le faire – pensant, alors, que nous aurions affaire à un bon film -, nous le faisons, aujourd’hui, « simplement » sur notre site, parce qu’il faut bien commencer cette ère post-confinement avec une nouveauté.
Synopsis
Axelle, Dominique et Conso partagent un secret. Elles mènent une double vie. Elles se retrouvent tous les matins sur le parking de la cité pour prendre la route et aller travailler de l’autre côté de la frontière. Là, elles deviennent Athéna, Circé et Héra dans une maison close. Filles de joie, héroïnes du quotidien, chacune se bat pour sa famille, pour garder sa dignité. Mais quand la vie de l’une est en danger, elles s’unissent pour faire face à l’adversité…
Comme nous l’indiquions en introduction, « Filles de joie » est l’un des rares nouveaux films à sortir au premier jour de déconfinement que connais la France, ce 22 juin 2020. Quand on a pas encore vue le film, on se dit que c’est un acte courageux et solidaire de la part de la production et/ou du distributeur. Mais, une fois le film vu, l’idée nous vient que c’est plutôt afin d’engranger un maximum d’entrées grâce à la soif de « pélloche en salle obscure » de beaucoup, qui vont se jeter sur le tout petit nombre de films qui s’offre à eux, permettant un succès salle très largement supérieur à ce que le film aurait obtenu si le covid-19 n’était pas venu chambouler le cours « normal » de nos vies. Car, avec tous les avis extrêmement défavorables au film, de la part de la presse (surtout spécialisée en cinéma) – à l’exception, bien sûr, de ceux « bobo-progressistes » qui l’ont trouvé FOR MI DA BLE -, le four de « Filles de joie » était couru d’avance ! Heureusement pour la prod du film, celle-ci n’a pas eu à détourner l’intention de la catastrophe qu’est le film en lançant une politique dans la presse pour éviter d’avoir à justifier le film commis (ce que Omar Sy avait, lui, si bien réussi dès le début de la promotion du l’innommable nouvelle version de « Knock », littéralement déchirée durant des semaines auparavant par la presse française, et qui, en plein interview utilisa le joker « bouc émissaire » des gens bien, en parlant d’Eric Zemmour – de but en blanc, « gratuitement », en total hors sujet -, et continua à le faire sur deux ou trois médias afin de pouvoir justifier de son refus de continuer à faire le tour des médias pour parler de son film…Non ! D’Eric Zemmour, voyons!).
Le seul point que l’on pourrait penser positif, dans « Filles de joie », est qu’il se positionne sans équivoque en faveur de la totale légalisation de la prostitution – cette profession présentée comme ne pouvant être rien d’autre que du pur esclavage sexuel de la part des bigots et des misandres. Hélas, le traitement de ce sujet par les co-réalisateurs Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich porte plutôt à penser que cela sert à servir le discours du « l’homme blanc est un porc pervers et un salopard » (uniquement l’homme blanc car, allez savoir pourquoi, c’est la seule couleur de peau des hommes « consommant » les prostituées – dans ce film, les hommes ne font pas « appel » aux services de prostituées, ils les consomment à la façon de ce que l’on nous dit être du masculinisme. D’ailleurs, le discours manichéen vis à vis de ce « salopard d’homme blanc » est aussi clairement présent dans le personnage de celui dont Conso (la prostituée noire) est amoureuse et qui s’avère être une pourriture de la pire espèce, n’ayant aucune qualité, jouisseur sans limite ni principe de vie (Il n’a aucun scrupule à utiliser Conso pour lui ramener une grosse dose de cocaïne pour faire une « fiesta » – que Conso pense prévue pour eux deux seuls puisqu’il lui tient le discours d’un amoureux voulant l’épouser – avec d’autres types – blancs, bien sûr…- et des filles présentent uniquement pour être sexuellement consommées, afin de célébrer… la naissance de son fils, sans se soucier le moins du monde de ce que peut penser, et encore moins ressentir Conso). Alors, oui, ce genre de sous-homme existe. Mais, dans « Filles de joie », tous les hommes ne sont que des caricatures des stéréotypes décriés par les féministes misandres (celles que l’on appelle les « néo-féministes »). L’Homme y est tellement caricaturé à l’extrême que pas un seul personnage masculin n’a la moindre profondeur ni le moindre relief. Ils ont été écrits pour n’être que des accessoires et boucs émissaires. On plait, d’ailleurs, le pauvre Sergi Lopez (« La Haine », « Western », « Le labyrinth de Pan »…) dont le talent n’a jamais été si sous-employé en quatre-vingt-dix films, mais aussi stéréotypé, dans ce mari de Dominique (la femme de classe moyenne inférieure d’une cinquantaine d’année qui se prostitue pour satisfaire le plaisir égoïste de son mari et de ses enfants), homme passif pour tout, sans courage, fainéant, lâche…etc… !
Et, comme si cela n’était pas suffisant, les principales protagonistes sont tout autant caricaturales, aussi bien qu’entant que « femmes de la vie de tous les jours », que entant que prostituées ! Déjà, à vouloir, sur ce dernier aspect, montrer que leurs héroïnes vivent très bien, non pas le fait de se prostituer, mais d’avoir une sexualité libérée de tout tabou (ce qui est le seul aspect positif), les deux co-auteurs et co-réalisateurs en font juste des victimes consentantes par passivité des perversions d’hommes purement misogynes, « virilistes » et « masculinistes »). Et, si l’on sent bien qu’il y a le désir de faire de ces femmes qui se prostituent de vraies héroïnes, c’est, hélas, clairement, pour leur dire que les hommes ne sont rien alors que les femmes sont tout. On peut le constater, entre autres, dans les surnoms que ces trois femmes se choisissent entant que prostituées : Athena, Circé et Hera. Trois noms de déesses grecques qui, pourtant, ne sonnent pas « sexe » ni « sexy » – pas une des trois ne s’appelle Aphrodite, par exemple, ce qui semblerait pourtant bien plus logique que n’importe lequel des trois noms utilisés. Qui plus est, outre le fait que, nous qui connaissons si bien un très grand nombre de prostitués de part le monde – du fait de notre engagement depuis plus de vingt-cinq ans à légaliser partout cette profession, afin que celles (et ceux) qui désirent vraiment en vivre le fassent sans risque et que puisse être rendue à portion congrue le nombre de réelles victimes d’esclavage sexuel -, nous pouvons assurer que, même en Grèce, rares sont les prostituées prenant les noms d’Athena, et encore plus, de Héra (nom d’autant plus improbable pour une prostituée noire qu’elles choisissent plus souvent « Beyoncé », « Ciara », « Fenty » ou, de déesses africaines, lorsqu’elles décident de se prendre pour des déesses). Ici, qu’importe ce qu’est la réalité ? Ce qui compte c’est le symbole pour le discours à tenir. Les femmes sont des déesses et les hommes des sous-êtres ! Si l’on s’attarde, en plus, sur la tenue de déesse-prostituée d’Axelle (la trentenaire qui, dans la vie de tous les jours, est séparée d’un compagnon extrêmement violent et fait vivre une mère mentalement pas nette et trois jeunes enfants braillards et sur lesquels elle n’a aucune autorité), la très grande ressemblance avec la « tenue de combat » des Femen interpelle.
Même l’aspect artistique et technique de « Filles de joie » ne vient pas du tout remonter le niveau général du film ! Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich étant dans l’excès et la caricature en toute chose (et il est à parier que le plus grand nombre le pensera aussi en ce qui concerne les scènes de sexe clairement explicites et la nudité sans complexe des actrices, puisque nous sommes dans une société politiquement correct, où seuls des jolies petites fleurs et le doux chant d’oiseaux sont tolérables et même souhaitable afin de ne pas être traumatisés à vie par la crudité de la vraie vie). Visiblement bien trop occupés à dénoncer le « mal » pour mettre en avant le « Bien », ils n’ont pas eu le temps de se pencher sur la compostions d’un cadre pour les plans de caméra (d’ailleurs, savent-ils ce qu’est un « cadre » dans le cinéma ? Au vu de leur film, visiblement non!), de l’intérêt d’une mise en scène, d’une direction des interprètes afin que ceux-ci jouent juste – parce que, même avec un immense talent, un acteur qui n’est pas bien dirigé par son réalisateur fera une prestation, au mieux, médiocre – et, là, en plus, ils sont deux à la réalisation, en plus ! Question technique, l’image est sale, terne, mal placée (« placée n’importe comment » est plus exact).
Et que dire du montage ?! Utiliser le principe du « flash-back » peut s’avérer très utile mais, ici, il ne sert strictement à rien ! Dès que l’ex compagnon ultra-violent d’Axelle revient la harceler, alors que la justice lui interdit de s’approcher à moins d’un certain nombre de centaines de mètres, on sait que le corps que les trois comparses ont entérré, dans la scène d’introduction, est le sien (déjà que, dans cette première scène, on ne se demande pas un instant si c’est un homme, une femme ou un objet qui est entouré. Pas plus que l’on se demande qui sont ces trois personnes qui creusent, entèrent et recouvrent, puisque l’on sait déjà que l’on va regarder l’histoire de trois femmes et que les trois paires de mains que l’on voit à l’écran sont si facilement identifiables comme étant des mains de femmes – mais les co-réalisateurs pensent que, en ne laissant pas voir plus que leurs mains et leur silhouettes de façon informe, le spectateur va se demander qui peut bien agir dans cette scène!). Qui plus est, les deux « réalisateurs » ajoutent, à ce « flash-back », un second, juste après, d’une bonne vingtaine de minutes, dont on ne comprend qu’une fois ce second retour en arrière dans le récit que, en plus d’être la répétition de la première journée qui se déroule dans le film immédiatement après le « flash-back » qui fait suite au point culminant du film, que c’est bien, aussi, un retour dans le temps, et que nous allons avoir droit de revivre la première journée (donc les vingt-précédentes minutes du film) à partir d’une perspective différente. C’est ce deuxième vécu de la même journée qui se poursuit, finalement, pour le reste du film. Mais que tout cela est mal présenté, désorientant plus le spectateur plutôt qu’autre chose !
Alors, avec un film aussi mal fait, aussi mal écrit, aussi binaire, à ce point raté que les sujets forts et importants qu’il affirme vouloir traiter (la violence conjugale, la prostitution, la vie difficile dans les banlieues) sont caricaturés et visiblement vus par le prisme d’une petite bourgeoise intellectuelle qui projette ses fantasmes sur ces aspects de la société, on a énormément de mal à se dire que cela vaut la peine de retourner dans les salles de cinéma malgré le manque que l’on en a eu du fait du confinement, et dépenser entre 7,50 et 11 euros alors que des temps compliqués se profilent à cause de cette pandémie !
Christian Estevez
N.B. : critique publiée sur le site de "FemmeS du Monde magazine" le 22 juin 2020.