Muayad Alayan est un réalisateur, producteur et directeur de la photographie établi à Jérusalem. Son premier long-métrage Amours, larcins et autres complications, en avant-première à la Berlinale Panorama en 2015, a remporté deux prix aux Best Arab Narrative Film Awards, a été nominé à de nombreux prix dans différents festivals, et a été distribué dans plus de 20 pays. The Reports on Sarah and Saleem est son second film, et il prépare actuellement son troisième long-métrage. Le film, dont Rami Alayan a signé le scénario, a reçu le Prix spécial du jury à l’International Film Festival de Rotterdam 2018, ainsi que le Prix du public du Hubert Bals Fund.
L’histoire vient d’une situation dont le réalisateur Muayad Alayan a été témoin. Quand il avait environ 16 ans, il ne trouvait des petits boulots que dans la partie occidentale de la ville de Jérusalem. La plupart des jobs disponibles pour les jeunes Palestiniens touchent à des métiers de services dans les hôtels ou dans les boulangeries par exemple. À cette époque, il avait commencé à travailler dans un café et c’était la première fois qu'il se confrontait vraiment à la société israélienne. "Car quand on vit dans la partie Est de la ville, on ne connaît les Israéliens qu’au travers leur présence militaire ou policière", précise-t-il. "Dans ce café fréquenté par des citoyens ordinaires, j’ai vu des Palestiniens entretenir des liaisons avec des Israéliens. Pas forcément dans le cadre de relations extra-conjugales, comme dans mon film.
Ces histoires étaient clandestines et certains de mes collègues entretenaient ce genre de relations secrètes. Parfois dix ans plus tard, les services de renseignements israéliens les arrêtaient pour savoir ce qu’ils faisaient à ces endroits-là avec ces femmes. Ils rouvraient les dossiers, les interrogeaient de nouveau et les chargeaient avec toutes sortes d’accusations. Je suis parti de là et j’ai bâti une histoire, basée sur cette hypothèse : et si une femme israélienne, mariée à un militaire, avait une histoire avec un Palestinien, la tension et le suspense seraient à leur comble. J’ai commencé à développer cette histoire avec mon frère Rami Alayan qui est mon coscénariste et le producteur du film. Nous avons écrit différentes versions de cette histoire pendant huit ans."
Le film de Muayad Alayan montre dans son film deux mondes séparés, irréconciliables. "La ségrégation règne à Jérusalem", confie le cinéaste. "Si vous déambulez dans la ville juste pour la journée, il se peut que vous ne le remarquiez pas. Mais si vous restez plusieurs mois, vous vous en rendrez compte. C’est une ville non seulement séparée par des barrières physiques, mais aussi politiques. À première vue, vous pouvez avoir le sentiment que les Palestiniens et les Israéliens se mélangent. Mais le système judiciaire et même le réseau de transports sont séparés. À cause des incidents qui surviennent régulièrement, cette politique de ségrégation peut durer encore longtemps. Et comme tout est lié à la politique... On veille à ce que les individus restent séparés. De là vient l’idée de parler du tabou que représente ce couple. Le problème n’émane pas des individus, mais de ce système qui garantit que ces deux mondes ne communiquent pas. On le retrouve à tous les niveaux de la société, y compris religieux. Inconsciemment, l’histoire du conflit est dans un coin de notre tête."