Sous les notes planantes de Ry Cooder, défilent les paysages Américains, ces paysages texans, d’une couleur indéfinissable, cette vision aérienne du néant. Des images qui en un peu plus de deux heures relient Paris au Texas dans une poésie des plus entrainantes. Ici, en 1984, Wim Wenders nous invite à cette danse qui lui vaudra sa Palme d’Or, une danse électrique, reculée, intime… Une métaphore, celle d’une vie.
« Paris, Texas », à l’image de Nastassja Kinski, est un film qui ne se dévoile pas, au dernier moment, on se rend compte que ce petit accoutrement rose est trop beau pour disparaître. Et ainsi il tourne, plane, dévoile un peu ses pieds, ses mains, touche, caresse… Mais à quoi cela sert-il d’aller plus loin quand il n’y a rien en dessous ? Le film sonnant en soit comme une énigme. Qui est Travis ? Cet homme, ce clochard sorti de nulle part ? Ce spectre silencieux qui navigue entre les barbelés, se rappelant soudainement qu’il est père, qu’il avait une vie, qu’il était détestable.
Wim Wenders filme la route, ses courbes, donne une sensualité à ses coins paumés. Grace à un intense travail sur la couleur, la pellicule est sublimée, magnifique, dans ces jeux de couleurs qui sont comme de la peinture jetée sur des visages, comme ses publicités invisibles qui donnent sens à la vie. Puis la crainte de ce monde en perpétuelle évolution, rester sur le plancher des vaches, créer un plan séquence qui met en avant certains des plus beaux dialogues de l’histoire du cinéma. Dans cette boite, ce studio, ou les entités se révèlent sans être vues.
Travis est une métaphore. Il apparaît dans un paysage désolé, apprend à parler, reste chez son frère, vieillit au contact de son fils, et part… Il part en laissant derrière lui une erreur réparée, il part dans un plan esthétique remarquable… Wim Wenders qui habille la ville, la sublime, lui donne vie, en fait un tableau, utilisant les couleurs pour caractériser l’état des personnages en ce moment. Ils sont liés par le rouge, un rouge qui semble faire écho à Ozu, un rouge vif qui se transmet, qui prend le dessus, affronte le vert, le bleu, et toute sorte de chose.
Des choses au ralentie, dans une perspective atmosphérique et ténébreuse, une énigme qui fait rêver, une énigme sans fin, une poésie sans fin, dominée par une simple guitare qui répète inlassablement ces trois petites notes intemporelles.
Un voyage au cœur des Etats-Unis, un voyage dans le cœur de Travis, un bijou au doigt de Nastassja, un arc en ciel dans le cosmos.