Sergio Pablos (derrière l'histoire du 1er Moi, Moche et Méchant ; ainsi qu'ancien de Disney Animation ayant bossé entre autre sur le Bossu de Notre-Dame, Hercule, Tarzan ou La Planète au Trésor) mûrit ce projet depuis de longues années. Désireux de revenir à une animation 2D traditionnelle pour la pousser plus loin, le but affiché était de montrer à quoi ressembleraient les films d'animation si la 3D n'avait jamais existé.
Écumant le marché de l'animation au festival d'Annecy et les producteurs qui ne voyaient pas l'intérêt de revenir à un tel format, c'est auprès de Netflix qu'il trouve son salut. 4 ans plus tard, La Légende de Klaus est enfin disponible (pour notre plus grand bonheur) porteur d'un héritage certain.
Plaçant son histoire dans la Scandinavie du XIXe siècle, où on suit Jesper Johensson, jeune facteur oisif, irresponsable et vivant dans le luxe. Situation contrariée le jour où son père (directeur de l'Académie des facteurs) l'envoie au-delà du Cercle Polaire sur la petite île lugubre de Smeerensburg. Un patelin isolé, glacial et grisonnant où 2 clans s'affrontent par tradition (les Elingboe et les Krum) dans un climat de rancœur permanent.
Jesper aura donc 1 an pour poster 6000 lettres s'il veut retrouver son confort, mission impossible au premier abord. Tout va changer lorsqu'il fera la rencontre de Klaus, un mystérieux charpentier vivant en ermite dans la forêt, et Alva, une institutrice taciturne ayant perdu foi en sa vocation. S'ensuivra une longue suite d'évènements qui forgera la légende de Noël.
Si le réalisateur n'a jamais caché ses ambitions de raconter la genèse du Père Noël (Batman Begins est même une inspiration), La Légende de Klaus surprend. Via une histoire dont on connait intérieurement la fin, le rythme ne comporte aucune baisse de régime et aligne les idées à un rythme effarant. Jesper étant le véritable moteur du film (Klaus apparaît véritablement en milieu de film), on suit l'évolution d'un protagoniste peu attachant ayant perdu tout but. Tous les personnages (que ce soit des garnements bagarreurs, des chefs de clan détestables ou un Klaus touchant) bénéficient également d'un vrai soin dans leur caractérisation.
Les trouvailles d'humour et d'émotion s'enchainent avec une fluidité rare. Le film se permet de jouer avec le folklore de Noël avec intelligence et ancrage (des Sami faisant office de lutins) avec une histoire dans la pure tradition de grands classiques d'animation. D'abord grisâtre et terne, le village et donc la palette de couleurs dominante du film va s'éclairer et se diversifier à mesure que la joie, la communication et l'espoir sont ravivés. Le fond et la forme comme on dit.
En parlant de couleurs, le visuel de La Légende de Klaus est simplement magnifique. Si le design des personnages fait tout de suite penser à la Renaissance Disney ou certains films de Don Bluth (Anastasia, Titan A.E.), le tout se démarque par un look singulier. Ayant fondé son SPA Studio à Barcelone, Sergio Pablos et ses artistes ont cherché comment faire ressortir les volumes via un logiciel français (créé par les Films du Poisson Rouge ). Forêts enneigées qui respirent bien l'hiver ou bâtisses aux formes géométriques variées, le tout a des airs d'animation 3D sans en être.
Sorte de miroir opposé de Spider-Man New Generation (film en 3D donnant l'illusion de 2D), le travail sur la lumière propose des perspectives inédites à partir de dessins plats. Les plis des vêtements, la peau vascularisée ou les particules de neige ressortent donc pour créer cette illusion. Un réel ravissement aussi bien pour les yeux que pour les oreilles, via une bande-originale enchanteresse de Alfonso G. Aguilar (ainsi que quelques digressions anachroniques bienvenues).
Si l'histoire paraît évidente, difficile de bouder son plaisir devant un tel exploit visuel (l'animation 2D prouve qu'elle en a encore sous le capot) et une écriture aussi maline qui sait admirablement prendre des chemins détournés. Jamais désincarné, toujours accrocheur et charmant, La Légende de Klaus n'est ni plus ni moins qu'un formidable film de Noël pour petits et grands.
Pourvoyeur également de quelques moments de pure émotion et de messages pertinents sur des traditions obsolètes, l'amour du partage et la magie par les yeux des enfants, La Légende de Klaus est LE film de Noël de l'année. C'est à ne louper son aucun prétexte, muni d'une tasse de chocolat et de chaudes couvertures.
Une petite pépite !