Le scénario de L'Autre continent est né d'une histoire qu’une jeune femme a racontée à Romain Cogitore. Le metteur en scène se rappelle : "Je pensais d’abord qu’elle évoquait la mémoire d’un disparu, tant il y avait de tristesse, d’émotion - et aussi d’amour - dans son récit. Et puis, de rebondissement en rebondissement - souvent incroyables - j’ai peu à peu compris que le garçon dont elle parlait n’était pas mort ; mais que c’était un homme dont elle essayait de se détacher… Au-delà de la figure tragique de Maria, il y avait aussi quelque chose de profondément contradictoire dans cette histoire : celle d’un amour qui a une force prodigieuse, qui va jusqu’à vaincre la mort ; et en même temps qui demeure d’une grande fragilité, qui ne résiste pas à tout. Cette contradiction nous concerne tous et c’est un thème que le cinéma traite peu."
Si Déborah François est arrivée très tôt sur le projet, le casting du comédien masculin a été plus difficile : Romain Cogitore voulait à la fois trouver un acteur qui soit crédible en anglais, capable de jouer les trois ou quatre rôles que comporte le personnage d’Olivier, et qui puisse continuer de toucher le spectateur quand sa maladie devient dégradante. Le réalisateur se rappelle : "Paul Hamy, dont le père est américain, remplissait parfaitement la première condition. Et il avait ce côté enfant-géant, lunaire et un peu fou, susceptible d’infuser de la tendresse, même aux pires moments. Enfin, Déborah et lui matchaient très bien ensemble. C’était capital : on devait absolument croire au couple qu’ils forment."
Le travail sur les langues a constitué un défi. Déborah François, qui est Belge, avait de bonnes bases en hollandais. La comédienne s’est remise à niveau et a dû, comme Paul Hamy, apprendre phonétiquement toutes les parties en chinois. Romain Cogitore explique : "Un défi d’autant plus grand pour eux que, coproduction taïwanaise oblige, il n’était pas question que le public taïwanais ne les comprenne pas. Tous les deux ont bossé très dur durant trois mois – maîtriser les quatre tons en mandarin est un véritable enfer. C’est Déborah qui avait le plus de répliques à jouer, et heureusement, Déborah est une machine de guerre."
Né en 1985, Romain Cogitore a passé son enfance avec ses cinq frères, sur une montagne à la frontière de l’Alsace et des Vosges. Passionné d’écriture, de photographie, de théâtre et de composition musicale, il réalise des courts métrages dès l’adolescence. Son premier long métrage Nos Résistances - l’histoire d’un groupe de garçons foutraques qui rejoignent le maquis - sort en 2011 et est prénominé aux César. Romain collabore avec son frère Clément sur plusieurs projets, notamment sur le scénario de son prochain long métrage Une zone à défendre, développé avec Thomas Bidegain et Catherine Paillé.
Une partie du film a été tournée à Taïwan. Romain Cogitore ne connaissait pas l'endroit et le découvrir a aussi été un moyen de se rapprocher de la jeune femme qui lui avait raconté son histoire. Le cinéaste confie : "Les repérages et le tournage là-bas ont compté parmi les plus belles étapes de cette aventure. J’y suis allé une première fois en pré-repérages en 2016, puis une deuxième fois pour les repérages finaux un an plus tard. C’était un énorme luxe par rapport à mon premier film, Nos Résistances, où les repérages ont tous été faits à la dernière minute, et où il était donc impossible de concevoir une mise en scène à l’avance. Le plus dur ici, finalement, était de réussir à glaner toutes les pièces du kaléidoscope en un temps très court, à gérer cette fragmentation des séquences, à laquelle je tenais par-dessus tout."