A travers l'autopsie clinique d’un procès, Stéphane Demoustier a voulu aborder les moeurs de la jeunesse d’aujourd’hui sans la juger. Or, dans une affaire judiciaire, tout est exacerbé et le procès agit donc comme un miroir grossissant des rapports intergénérationnels. Le cinéaste explique : "L’héroïne représente l’altérité absolue pour moi puisque c’est une femme et une adolescente. C’est pourquoi j’ai construit le scénario autour du mystère que représente à mes yeux cette jeune femme. C’est bien sûr ce qui m’intéressait. A travers ce portrait en creux, je voulais parler de la famille. J’ai trois enfants, beaucoup plus jeunes que mon héroïne, mais j’ai remarqué que très vite la question de l’altérité se posait. A qui a-t-on affaire ? On a toujours l’impression de connaître ses enfants mais l’évidence apparaît inéluctablement : ce sont des êtres autonomes qui nous échappent de plus en plus."
La Fille au bracelet est inspiré de l'histoire d’Acusada, un film argentin sorti en France en juillet 2019. C'est par le biais du producteur Jean Des Forêts que le réalisateur Stéphane Demoustier a découvert le scénario et a décidé de traiter cette intrigue sous un nouvel angle, en s'intéressant non pas à l'accusée mais aux personnes qui l'entourent.
Melissa Guers, qui pour l'occasion fait ses premiers pas au cinéma, incarne le personnage principal. La comédienne avait répondu à une annonce postée sur Facebook par Stéphane Demoustier, qui cherchait une jeune fille qui n’avait jamais tourné. Le réalisateur justifie son choix :
"C’est la seule qui, dès le début, supportait les silences. Elle avait une intensité qui détonait. Sa personnalité allait enrichir le personnage. Cette impression ne s’est jamais démentie. Elle avait l’instinct du jeu et nous l’avons vue devenir actrice au fil du tournage. Au début, elle était totalement consumée par le rôle, au point de ne plus en dormir. Petit à petit, à force d’observer ses partenaires, elle a compris qu’il y avait une distance à tenir et que cela n’empêchait pas la vérité de son interprétation. Elle est devenue très proche de l’actrice qui jouait de son avocate, Annie Mercier, qui agissait pour elle comme une figure protectrice sur le tournage."
Pour construire son récit, Stéphane Demoustier a passé du temps en cour d’assises pour assister à des procès (plus précisément au tribunal de Bobigny) et ainsi être certain de coller au maximum à la réalité. "Je ne voulais pas tomber dans une vérité documentaire, mais il m’importait que ce soit crédible. Le scénario fini, je l’ai d’ailleurs fait relire par des juges et des avocats", se souvient-il.
Stéphane Demoustier a confié le rôle du procureur à sa soeur, Anaïs Demoustier. Au début, le metteur en scène était parti sur un acteur d’une soixantaine d’années, qui en imposerait par son autorité et son expérience. Mais en allant assister à plusieurs procès au tribunal de Bobigny, il s'est aperçu que le procureur était très souvent une femme de trente ans. Il se rappelle :
"Je me suis renseigné et j’ai appris qu’il y avait une « crise de l’emploi » de la magistrature et c’est pourquoi ils recouraient très fréquemment à des substituts du procureur qui sortaient de l’école. De fait, ces jeunes femmes sont souvent plus royalistes que le roi car elles doivent prouver qu’elles sont à leur place. Dès lors, j’ai reconsidéré le rôle et j’ai vu tous les avantages qu’il y avait à le confier à une jeune femme. Et comme on filme bien ceux que l’on aime, je me suis tourné vers Anaïs. Là aussi, je me suis autorisé à le faire car on ne l’avait jamais vue dans ce registre."
Le président du tribunal est joué par un vrai avocat, Pascal-Pierre Garbarini. C’est la conseillère juridique qui travaillait sur le film qui a proposé cette idée à Stéphane Demoustier. Ce dernier confie : "Elle était sûre que ça l’intéresserait. Je l’ai rencontré, on s’est super bien entendu, et il s’est révélé d’une aide précieuse. Quand un comédien ou moi avions un doute sur le déroulement du procès ou l’attitude à adopter, il nous aiguillait. Il a été formidable. Sa personnalité irradiait et sa joie d’être là était communicative. C’est une rencontre qui m’a réjoui car c’est un homme qui est intelligent, sensible et généreux."
Stéphane Demoustier voulait tourner ailleurs qu'à Paris, dans une ville de taille moyenne : suffisamment grande pour que le principe de l’anonymat existe et mais suffisamment petite pour qu’une affaire de cet ordre ait un gros retentissement. Avec l'accord de la chancellerie (qui veille à ce l’image de la Justice ne soit pas rendue de manière dégradante ou fallacieuse), le cinéaste a obtenu l’autorisation du tribunal de Nantes. Stéphane Demoustier précise :
"Le fait de tourner dans un vrai tribunal agissait nécessairement sur l’expérience du tournage, en particulier pour les acteurs. Le principe de réalité n’est pas le même. Les figurants dans le tribunal n’avaient pas lu le scénario, et ils découvraient donc le procès au fur et à mesure. L’audience était partagée sur la culpabilité de Lise. Certains changeaient d’avis en cours de route, c’était drôle. C’était bon signe également, car je voulais que cette incertitude demeure à l’écran. C’est un film sur l’interprétation des faits, sur le doute."