Fernando Solanas, né à Olivos en Argentine en 1936, est un cinéaste et homme politique argentin. Auteur réalisateur, scénariste et producteur, il a réalisé 17 longs-métrages. A la fin des années 1960, il est l’un des fondateurs et théoriciens du groupe argentin Cine Liberación, qui s’inscrit dans un mouvement à échelle continentale - celle de l’Amérique latine - appelant à un « troisième cinéma », qui ne soit pas une prolongation du cinéma européen ni hollywoodien. En 1968, il co-réalise clandestinement avec Octavio Getino le documentaire L’Heure des brasiers, manifeste esthétique et politique du mouvement. Ce film majeur, antinéocolonialiste, péroniste et activiste, est interdit jusqu’à la fin de la Dictature de la Révolution argentine en 1973.
Il est aujourd’hui considéré comme un classique du documentaire. Il reçoit un Ours d’or d’honneur pour l’ensemble de sa carrière à Berlin en 2004. Suite à ses critiques envers la corruption du gouvernement Menem, il subit un attentat en 1991 et reçoit six balles dans les jambes. En 2002, il débute une nouvelle série documentaire sur la crise économique en Argentine qui se compose de huit films. Le Grain et l’ivraie en est le dernier volet.
Fernando Solanas et son équipe ont décidé de faire ce film il y a plusieurs années quand ils se sont aperçus de la désinformation et des conséquences dramatiques sur la santé de la population dues à l’épandage massif de glyphosate et des pesticides en général en Argentine. "Le sujet était grave mais nous n’avions pas réussi à trouver de financement ni en Argentine, ni en Europe : coproduire ce film n’intéressait personne. L’agro-industrie avait beaucoup investi en publicité pour faire la promotion de son modèle de production avec des semences transgéniques et empoisonnées. C’est une des raisons pour lesquelles on ignore tout des dégâts causés sur la santé, sur les sols et la nature en général. Depuis 2013, je préside la commission du développement durable au Sénat argentin, où arrivent de très nombreuses plaintes à ce sujet. Et depuis, nous avons voyagé dans toutes les régions affectées par ce problème pour mieux connaître et évaluer la situation."
Les hommes politiques et les multinationales sont les grands absents du film. La proposition de ce dernier était de donner une voix à ceux qui n’en n’ont pas dans les médias. "Notre cinéma ne consiste pas à démontrer ce qui est “objectif”, mais à donner de l’espace et de la visibilité aux victimes comme à leurs assassins. Depuis mon premier film L’Heure des brasiers, nous avons pris le parti de défendre les marginaux, ceux qui se font exploiter, ceux qui ont été agressés, ceux que l’on entend jamais. La voix de ceux qui ont le pouvoir, de ceux qui jouent avec la santé de la population, nous l’entendons tous les jours à la télévision ou dans les journaux. Mes films documentaires ne sont pas vus à la télévision en Argentine, ni dans les multiplexes commerciaux de mon pays, et sortent uniquement dans les salles indépendantes de l’Institut du Cinéma (INCAA). La majeure partie de leur diffusion a lieu dans des circuits culturels ou institutionnels : ils sont montrés dans les écoles, les universités, les syndicats et les ONG", dénonce Fernando Solanas.
Fernando Solanas a opté pour une image dé-saturée et l’utilisation d’objectifs grands angles. Il explique : "La décolorisation des images, les optiques et l’écriture de la caméra font partie d’une proposition cinématographique et d’un goût. Ce n’est évidemment jamais tout à fait la même chose à chaque film même si je me suis toujours défini avec la famille des optiques grand-angle. Concernant les images dé-saturées, elles me paraissaient les plus pertinentes pour aller au coeur de la tragédie dans laquelle le film nous amène. J’appartiens à une génération qui s’est formée dans les salles de cinéma et qui partageait collectivement les émotions d’une projection. J’aime le cinéma et je fais des films pour le grand écran même si aujourd’hui cela va à contre sens de ceux qui voient les films sur un téléphone portable. Un auteur de cinéma, comme un peintre ou un poète, s’identifie grâce aux couleurs qu’il utilise, aux formes, aux mots, à l’univers, aux sujets et aux personnages qu’il convoque. La langue que j’ai choisie pour ma série de longs-métrages documentaires qui a débuté avec Mémoire d’un saccage en 2004 est une fusion de genres cinématographiques : j’ai utilisé les méthodes propres au cinéma direct, au témoignage documentaire et celles de la fiction."