La réalisatrice Nurith Aviv s'est rendue en Israël dans le cadre d'une vidéo qu'elle réalisait pour l'exposition de Barbara Cassin au MuCem, Après Babel, Traduire. Elle y a rencontré deux professeurs de langues des signes qui l'ont introduite aux linguistes du Laboratoire de Recherche de Langues des Signes de l'université d'Haïfa : "Là, les chercheuses Wendy Sandler et Irit Meir m'ont parlé de leurs travaux portant sur trois langues des signes récentes. Deux sont des langues des signes locales qui ont émergé et se sont développées au début du siècle dernier, l'une dans la tribu bédouine d'Al-Sayyid et l'autre dans le village palestinien de Kafr Qasem. Ces deux endroits étaient à ce moment-là isolés et comportaient un nombre important de sourds. C'est du désir de communiquer entre sourds et entendants que ces langues sont nées et ont évolué."
Contrairement à ce que l'on peut penser, la langue des signes n'est pas universelle. Il existe plusieurs langues qui ont chacune leur propre grammaire et leur propre histoire. De plus, il n'y a pas de relation directe entre une langue des signes et une langue parlée d'un même pays. Par exemple, la langue des signes américaine et la langue des signes britannique n'ont pas de point commun tandis que la première ressemble à la langue des signes française. En effet, au XVIIIe siècle, un enseignant sourd de l'Institut des sourds-muets de Paris s'est rendu aux États-Unis où il a introduit la méthode d'enseignement français auprès des enfants sourds.
En 1880 est organisé à Milan le Congrès international sur l'amélioration du sort des sourds-muets. Les spécialistes de l'enseignement pour les sourds y ont décidé d'interdire l'usage des langues des signes et d'imposer la méthode orale pure qui consiste en un apprentissage de la lecture sur les lèvres ainsi que l'apprentissage de la langue vocale si difficile à acquérir pour les sourds. Les langues des signes ont malgré tout résisté et ont continué à être pratiquées.
La réalisatrice a fait le choix de ne pas faire entendre la voix de l'interprète quand les sourds signent et de sous-titrer leurs propos : "Je voulais respecter la perception que j'avais eue en présence de celui qui signait et la transmettre au spectateur. Aussi au tournage, quand les gens signaient, je n'avais pas de traduction simultanée et je ne savais pas ce qui se disait. Je l'ai appris en différé, après la prise de vue, quand l'interprète m'a traduit ce qui était dit en regardant les images dans l'ordinateur."