Trois personnages principaux: un Israélien, un Français, une Française, tous trois âgés de 20 à 30 ans, à Paris. L’Israélien vient d’arriver en provenance de son pays. Il est le personnage pivot, il porte le film, tandis que les deux autres sont la double expression d’une entité unique manipulatrice et cruelle, couple qui fait advenir l’histoire. Devenir Français, tel est le projet du jeune Israélien, ex militaire, ce que la scène inaugurale pose d’emblée par la mise en nudité du jeune homme, et la sienne seule, épreuve initiatique qui devrait le conduire au-delà de lui-même, assurer sa renaissance. Cette nudité parcourt le film, en alternance avec un long manteau orangé, donné par les voisins, qui dissimule le corps, flotte comme une tunique de supplicié, une oriflamme de duperie, une identité provisoire. Pour sa première nuit, il loge dans un très grand appartement bourgeois vide dont il a trouvé la clef sous le tapis passant du couloir, à l’étage au-dessus de celui où réside le couple, dans un quartier aisé. Alors qu’il se douche, on lui vole ses vêtements. Paniqué, en désespoir, il se rue nu dans l’escalier, atteint la sortie, s’arrête à la porte d’entrée, hésitation, remonte, frappe aux portes des appartements sans obtenir de réponse; mortifié par le froid auquel il est particulièrement sensible, il regagne l’appartement aux fenêtres ouvertes (!) et se réfugie dans la baignoire pour se réchauffer mais l’eau cesse de couler (!). Peu après le couple (voleur potentiel?) apparaît (ouverture des portes?), le découvre inconscient, le réanime, le réchauffe, le sauve. Invraisemblances de l’histoire. Seconde naissance, croit-on, comme un baptême qui aurait réussi, premiers pas dans la réalisation du projet, naissance à la France, pays des droits, pays de la solidarité, pays idéal, loin de l’horrible Israël. En effet, le couple aide le jeune homme, l’homme plus particulièrement, fils d’industriel et écrivain en devenir plus ou moins incertain, en le pourvoyant en vêtements, en argent, en créant pour lui une proximité affective enchanteresse, en lui proposant par la suite un mariage blanc, pour qu’il devienne plus vite Français, avec la femme du couple qui aura déjà consommé l’union, avide qu’elle est du corps somptueux de l’ex soldat, sans que cela éveille la jalousie de son complice lequel, de puis le début de la rencontre, s’emploie à manifester une forte tendresse à cet homme perdu. À vrai dire le couple s’amuse du jeune homme naïf qui existe pour tromper l’ennui de l’un, son absence probable de talent, pour satisfaire le besoin sexuel de l’autrès, jusqu’à la fin de l’exercice de cruauté, portes définitivement closes, quand le jeune homme devient incontrôlable. Le parcours du réfugié accumule les situations de domination symbolique (agent de sécurité à l’ambassade d’Israël, séances de vidéos érotiques en hébreu, cours d’éducation civique obligatoires pour devenir Français, logement, nourriture) qui minent la volonté de trouver un avenir meilleur dans ce pays idéalisé, un avenir émancipateur. Dans son ardeur à enrichir son vocabulaire français par l’apprentissage de listes de mots, notamment des synonymes, le jeune homme confond la maîtrise de la langue et la compréhension de la société qui l’héberge, l’une n’épuisant pas l’autre. Il se heurte à la banalisation de son histoire par le couple, celle qu’il a vécue en Israël mais aussi celle qu’il a reçue en héritage, une problématique familiale et sociale liée à sa condition de juif qui perturbe fortement son sentiment identitaire, peut-être jusqu’à la folie comme le crie le couple dont l’écrivaux en devenir est tout disposé à s’approprier l’histoire du jeune homme pour nourrir son travail peu fécond. Le jeune Israélien refuse de lever la tête, comme pour ne pas offenser Dieu, de continuer à parler l’hébreu, soit de voir et d’accepter toute la réalité. La caméra filme souvent au plus près du sol ou à mi-hauteur avec de rares échappées vers le ciel, pour souligner la difficulté du parcours du jeune homme, ou bien filme au plus près des objets, des personnes pour presque les effacer dans le choc. Belle performance de l’acteur principal dont le réalisateur n’hésite pas à pleinement mettre en évidence la beauté physique comme condition insuffisante d’un bonheur. Chaque mise à nu est une tentative de renaissance poursuivie, en fait une mise à mort qui ruine le projet. Des invraisemblances, une façon de filmer décalée. Une confrontation des histoires et des identités nationales réelles et fantasmées, complexité des sociétés hiérarchisées. Faiblesse et cruauté. Une expérience de l’ailleurs comme miroir de soi qui renvoie le jeune Israélien à son origine sans possibilité de dépassement.