À propos du film « SYNONYMES » du réalisateur Israélien Nadav Lapid
J’avais lu quelques bonnes critiques évoquant l’histoire de ce qui m’apparaissait comme celle d’un refuznik : « Yoav, un jeune israélien, atterrit à Paris, avec l’espoir que la France et le français le sauveront de la folie de son pays … »
Le fait que ce film ait obtenu un Ours d’or à Berlin m’engageait également à aller le voir.
Une fois dans la salle, j’ai eu une première interrogation à la lecture des financeurs de ce film avec, notamment, le ministère de la culture et des sports Israélien, sachant que tout financement d’état israélien est directement utilisé par celui-ci pour promouvoir son pays. Il suffit de voir la campagne pour l’Eurovision.
J’étais allé voir ce film pour lui-même, certes, mais également pour le situer dans la mouvance autour de la Palestine et de la contestation d’Israël, pensant trouver là une parole « de l’intérieur ».
En fait, pas du tout. Toute l’histoire est centrée sur les déboires d’un jeune israélien émigré à Paris et qui croit réussir à s’intégrer grâce à un mariage.
Vu le thème du film (un réfugié) et le lieu (Paris), on peut comprendre qu’à aucun moment du film ne soit évoquée la Palestine ou les Palestiniens. Cependant, une séquence s’y rapporte : celle où un photographe lui présente son assistante qui se définit comme Libanaise et qui, quand Yoav décline son identité israélienne, lui répond « alors on ne peut pas se parler ! » La seule « arabe » du film est immédiatement responsable de l’impossibilité de parole entre israéliens et palestiniens ! Bien sûr, le héros ne répond pas, ni ne discute avec elle…
Plusieurs séquences renvoient à l’expérience militaire du héros. On croit depuis le début qu’il a fui son pays du fait de son opposition à la guerre, mais pas du tout. Il raconte même qu’il a gardé de bons souvenirs de son passage à l’armée et on le voit faire un exercice de tir où il découvre qu’il tire mieux en écoutant une certaine musique…mais ce sur quoi il tire ne sont bien sûr pas de méchants terroristes, mais une cible en bois qu’il prend plaisir à défoncer…
Le voile, enfin, est levé quand le héros fraie avec les nervis du Betar (Le Betar est une organisation d’extrême droite sioniste créée au début du XXème siècle qui a pu continuer ses activités en Allemagne nazie jusque dans les années 1939 et continue d’être présente dans de nombreux pays depuis, dont la France).
Bien sûr, on comprend que, seul dans Paris, il lui faut trouver rapidement des moyens de subsistance et que sa nationalité lui a ouvert les portes de ce type d’officine. Mais quand le chef raconte que leurs actions se font de nuit en direction de groupes néo-fascistes et qu’il y a de la casse, alors là, un simple survol des actions du Betar sur internet nous renseigne : agression de militants du MRAP (question néo-fascistes, ils se posent là ?), agressions d’associations palestiniennes, et proximité avec la LDJ (Ligue de défense juive), groupuscule néo-nazi.
La séquence en flashback sur une cérémonie militaire qui se déroule en Israël est totalement ubuesque et finit de me dessiller les yeux, avec de gentils militaires au garde à vous et deux militaires féminines, pulpeuses, qui dansent en chantant une chanson comme dans un « musical » américain !
Le personnage principal n’est donc en aucun cas un refuznik mais un malade mental (c’est l’héroïne qui le dit) et son séjour à Paris n’a rien résolu de son drame intérieur.
Il lui faut donc repartir et son cri d’adieu est : « Tu me renvoies dans un pays au destin tragique » ce qui est une double aberration : Le « destin » d’Israël n’est en aucun cas une fatalité, mais une volonté constante du sionisme depuis son origine, soutenu en cela par les Etats Unis et toutes les puissances sous leurs ordres. Quant à son côté « tragique », le moins qu’on puisse dire c’est qu’il ne concerne absolument pas les israéliens mais uniquement les Palestiniens qui depuis plus d’un siècle, vivent cette tragédie au quotidien.
Donc un film d’où ressort une image totalement déformée de l’état d’Israël de laquelle toute injustice, tout colonialisme, tout racisme est soigneusement écarté.
Pourquoi un Ours d’Or à Berlin ? Je ne peux m’empêcher de penser que l’Allemagne, dans son soutien tous azimuts à l’état d’Israël, cherche à laver sa faute originelle, comme si de telles actions pouvaient y concourir. Mais précisément c’est bien du contraire qu’il s’agit, car soutenir aujourd’hui un état qui clame haut et fort son statut d’état d’apartheid c’est renouer justement avec ce terrible passé que l’Allemagne veut, et doit, dépasser.