Pendant l’été 2017, l’équipe de la productrice Nina Jacobson fait parvenir le scénario à l’actrice oscarisée Julia Roberts, afin de savoir si le rôle de Holly peut l’intéresser. La star est immédiatement sensible au script : “L’histoire est très touchante”, explique l’actrice qui a été nommée pour la quatrième fois aux Oscars en 2014 pour son second rôle dans UN ÉTÉ À OSAGE COUNTY. “Le scénario de Peter Hedges aborde les nombreuses manières dont l’addiction peut avoir un impact sur toute une famille”. Julia Roberts a pris un moment sur ses vacances en famille dans sa maison de Malibu pour y rencontrer Peter Hedges. “La rencontre a été passionnante”, raconte le réalisateur qui vit à Brooklyn. “Julia s’est sentie proche de Holly, cette mère qui ne veut lâcher ses enfants sous aucun prétexte. Mais pour Julia, ce n’est pas anodin de s’éloigner de ses enfants, si bien qu’elle voulait parler du film à sa famille avant de prendre un quelconque engagement”. Quelques semaines plus tard, Peter Hedges reçoit un message de Julia Robert qui lui annonce qu’elle accepte le rôle. “J’avais le coeur qui battait à cent à l’heure, j’étais fou de joie”, se souvient Peter Hedges. “Pour commencer, Julia Roberts est une des stars de cinéma que je préfère. Elle est incroyablement intelligente et passionnée, et j’allais bientôt apprendre qu’elle est également une des actrices les mieux préparées avec qui j’ai jamais travaillé. J’ai l’espoir que le film touche le public le plus large possible et Julia Roberts bénéficie d’un soutien populaire considérable. Ce rôle de mère qui tente de sauver son fils lui donne également l’occasion d’explorer des territoires nouveaux sur le plan émotionnel, physique et dans son jeu d’actrice. Bref, le jour où elle a dit oui était magique”.
Julia Roberts n’a réclamé aucun changement dans le scénario de BEN IS BACK, mais elle a formulé une demande par rapport au casting. Impressionnée par la prestation de Lucas Hedges, le fils de Peter Hedges nommé aux Oscars pour son rôle d’adolescent orphelin dans MANCHESTER BY THE SEA, elle a insisté auprès du réalisateur pour qu’il lui confie le rôle-titre. Mais un problème se posait : “Toute ma vie, j’ai dit très clairement à mon père que je ne jouerais jamais dans un de ses films”, reconnaît Lucas Hedges. “Cette idée m’a toujours mis mal à l’aise, et je trouve cette perspective gênante. Je savais que mon père travaillait sur ce film, mais j’ignorais qu’il y avait un rôle pour un acteur de mon âge. Il m’a avoué bien plus tard qu’il l’avait écrit pour moi”. La réticence du jeune comédien a cependant disparu quand il a appris que Julia Roberts avait proposé son nom pour le rôle : “Quand j’ai su que Julia Roberts voulait que je joue Ben dans le film, j’ai trouvé ça dingue”, raconte Lucas Hedges. “Pour moi, c’est comme si elle venait d’une autre planète. J’ai été incroyablement flatté qu’elle ait envie de jouer avec moi. Ensuite, j’ai lu le scénario et j’ai été complètement scotché”.
Le choix du réveillon de Noël a constitué un cadre métaphorique d’une grande force pour BEN IS BACK, mais en raison de l’ambiance hivernale, l’équipe a dû affronter de rudes conditions météorologiques. “Dehors. Nuit. Hiver. C’est sans doute trois mots que je n’utiliserai plus jamais à la suite”, s’amuse Peter Hedges. “Sincèrement, c’était très dur. Les nuits étaient longues et froides et ça finit par peser sur le moral. Et puis, ce n’est pas comme si on tournait une comédie légère. Chaque scène pour ainsi dire était intense”. Teddy Schwarzman se souvient d’avoir dû faire face à une tempête de neige cyclonique qui avait paralysé toutes les routes de New York et de Yonkers, où l’équipe avait prévu de tourner une scène : “Ça a été extrêmement difficile de tourner cette scène à cause du froid glacial”, se souvient le producteur. Julia Roberts, qui a vécu à New York pendant dix-huit ans, assure qu’elle n’a jamais connu un hiver sur la côte Est équivalent à celui qui s’est abattu sur le tournage de BEN IS BACK. “C’était encore un niveau au-dessus : -34 °C en janvier ! ” s’étonne l’actrice. “C’était très drôle de se retrouver dans le cercle arctique – aussi connu sous le nom de Westchester. Il y avait vraiment des moments où je me disais ‘Il fait tellement froid que je ne vais pas pouvoir tenir une seconde de plus’, mais finalement on y arrive. Et c’était compensé par le fait de passer du temps dans tous ces endroits pleins de charme”.
Malgré le froid polaire, Lucas Hedges et Julia Roberts ont entretenu des rapports chaleureux sur le plateau : “Julia était incroyable”, affirme Lucas Hedges. “Elle est maternelle, attentionnée et humble. J’étais abasourdi qu’une personne considérée depuis des décennies comme une superstar puisse avoir autant les pieds sur terre et être aussi adorable. Elle était là pour moi entre les prises, comme pendant les scènes qu’on tournait ensemble. J’ai travaillé avec de grands acteurs qui n’en font pas autant”. Julia Roberts se réjouit des relations professionnelles et personnelles qu’elle a développées avec son partenaire : “Lucas est quelqu’un que j’aime beaucoup, on est devenu très proches”, explique l’actrice. “Il a beaucoup de talent, c’est une belle personne qui sait se montrer disponible. Il y avait des scènes très éprouvantes et on a eu de la chance d’avoir une telle complicité”.
Après avoir engagé les comédiens pour les deux personnages principaux, Peter Hedges a confié à Kathryn Newton le rôle de la petite soeur de Ben, Ivy. Dans la vidéo de son audition, Kathryn Newton interprète une conversation téléphonique déchirante entre Ivy et sa mère, qui se déroule vers la fin du film. “Ça m’a brisé le coeur”, note le cinéaste. “J’étais bouleversé. Pour moi, c’était important qu’Ivy ne soit pas seulement la petite soeur parfaite. Elle est déçue par Ben mais en même temps elle aime son frère et tient énormément à lui. C’est l’essence même de leur relation et cela transparait très clairement dans le jeu de Kathryn”. Kathryn Newton et Lucas Hedges avaient déjà noué une amitié au cours des tournages de LADY BIRD et 3 BILLBOARDS – LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE, où ils jouent également un frère et une soeur, mais aucun des deux n’avait encore travaillé avec Julia Roberts. Pendant la prépa de BEN IS BACK, le réalisateur et ses acteurs se sont retrouvés chez Julia Roberts pour répéter ensemble et apprendre à se connaître. “On a passé trois ou quatre jours à travailler, prendre des repas et discuter”, raconte Peter Hedges. “C’était formidable que chacun puisse se sentir à l’aise avec les autres”.
La plupart des séquences qui se passent de jour ont été filmées avant que l’équipe ne se sépare pour les vacances. En janvier 2018, la production a tourné les scènes de nuit, alors que l’histoire s’assombrit, au sens propre comme au figuré. Le réalisateur Peter Hedges remarque que ses acteurs ont fait preuve d’une grande sensibilité dans la façon dont ils ont joué la tension croissante entre mère et fils : “Il y a tellement d’émotion dans le film qu’on finit par se demander ‘Où est la légèreté ? Quand est-ce qu’on reprend son souffle ?’. Julia Roberts et Lucas Hedges ne peuvent pas sangloter et crier à chaque scène. Ils ont tous les deux eu l’intelligence de sentir les moments où ils devaient exploser et les moments où ils devaient se contenir”. Avec le recul, Lucas a-t-il aimé tourner sous la direction de son père ? “Parfois, le fait de travailler ensemble était un plus, parfois c’était très agaçant”, reconnaît l’acteur qui a fêté ses 21 ans pendant le tournage. “Mais même quand c’était énervant, cela pouvait m’aider car le personnage est lui-même dans une situation de grande frustration. Je pouvais toujours tirer parti de la situation, qu’il me donne un coup de pouce ou qu’il fasse quelque chose qui me faisait bondir juste parce que c’est mon père. Ne vous méprenez pas : je trouve qu’il a accompli un boulot fantastique. Mais c’est normal que je continue parfois à me comporter comme un adolescent grincheux avec lui”.
Le 5 décembre 2017, soit un peu plus de six mois après le début de l’écriture du scénario, le tournage commençait dans le nord de l’État de New York, sous la houlette du directeur de la photographie Stuart Dryburgh, nommé aux Oscars pour LA LEÇON DE PIANO. “Stuart et moi avons longuement discuté pour trouver un cadre qui ne soit pas trop resserré, afin de laisser de la liberté aux acteurs, mais qui bénéficie aussi d’un bel éclairage”, commente Peter Hedges. “Certains chefs-opérateurs moins expérimentés sont très à l’aise avec les mouvements d’appareil mais ne maîtrisent pas l’éclairage. Stuart sait faire les deux.” Stuart Dryburgh, qui a signé les prises de vue additionnelles de LA DRÔLE DE VIE DE TIMOTHY GREEN de Peter Hedges en 2012, l’a convaincu de tourner BEN IS BACK en format large anamorphosé. “Je n’avais jamais tourné au format 2:39:1, mais Stuart m’a fait remarquer qu’en Scope, on se sentirait plus proche des personnages”, précise Peter Hedges. “Le format large anamorphosé réduit la profondeur de champ, ce qui signifie que le 1er assistant opérateur doit être très précis. Mais en atténuant la mise au point en arrière-plan, on obtient un effet très riche et très cinématographique”.
Le réalisateur a fait appel au chef-décorateur Ford Wheeler pour élaborer des décors allant de l’élégant pavillon de banlieue de la famille Burns à un repaire de dealers situé dans un entrepôt. “Ford est une des personnes les plus intéressantes que je connaisse”, souligne Peter Hedges. “Il a un goût exceptionnel et un sens aigu du détail. Il ne se contente pas de placer n’importe quel meuble dans la maison des Burns. Chaque oeuvre d’art qu’il accroche au mur raconte une histoire qu’il a inventée dans sa tête”. Ford Wheeler, qu’on connaît pour son travail sur la série THE AFFAIR et le film RACHEL SE MARIE, prend plaisir à accentuer le contraste entre le contexte familial sain dont est issu Ben et l’environnement beaucoup moins protégé où se déroule presque toute la troisième partie du film. “En tant que décorateur, j’ai trouvé cette histoire formidable car on passe du cadre emblématique de la famille américaine bien propre sur elle à un campement de sans-abri”, explique Ford Wheeler.
Le travail de la chef-costumière Melissa Toth a permis d’accentuer l’esthétique naturaliste du film. “Melissa avait déjà travaillé sur MANCHESTER BY THE SEA et 3 BILLBOARDS – LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE avec Lucas”, raconte Peter Hedges. “Une de ses marques de fabrique, c’est que ses créations ne donnent jamais l’impression d’être des costumes. On dirait juste des gens qui portent leurs vêtements. J’espérais pouvoir travailler avec elle et par chance elle était disponible”.
Le choix des lieux de tournage était capital pour composer la banlieue qui sert de toile de fond à BEN IS BACK. Parmi les endroits pittoresques repérés par le régisseur d’extérieurs Rob Streim dans les comtés de Westchester et Rockland dans l’État de New York, on peut citer des petites villes comme Haverstraw, Larchmont, Sloatsburg, Garnerville et Mamaroneck, où la production a déniché la maison des Burns. C’est là que les acteurs ont pu se plonger dans l’univers de leur personnage : “Être sur place et voir notre maison m’a permis de ressentir le lien avec la famille et comprendre ce que ça ferait de vivre dans une petite ville”, affirme Kathryn Newton. “Ça m’a vraiment aidée à m’approprier l’histoire”.