Longtemps coincé dans le purgatoire des genres tombés en désuétude, le film de sorcières est revenu en vogue à la faveur du néo-féminisme des années 2010, son paradigme intégralement renversé puisqu’aujourd’hui moins que jamais, l’inquisiteur ne peut plus avoir le beau rôle ni la sorcière en être réellement une ! Tirant son nom du mot basque désignant le lieu où se tenaient les réunions et les rituels sataniques, ‘Les sorcières d’Akelarre’ cherche, comme tous ses semblables contemporains, à lever le voile sur les motifs inavouables qui conduisaient à l’érection des bûchers. Si on a déjà eu l’occasion de regarder un film similaire on ne risque pas d’être surpris par le déroulement des opérations mais quand même un peu déstabilisé par la manière de s’exprimer et d’agir des jeunes accusées, qui semble parfois étrangement “moderne” pour un événement qui s’est produit au début des années 1600 dans un lieu reculé et au sein d’une population très modeste. Ce choix, qui peut déplaire, permet néanmoins de se rendre davantage compte, en évitant la langue ampoulée et les préciosités de l’époque, de la manière proprement vicieuse dont se déroulait la procédure. Soupçonnées pour leurs actes connus et inconnus, accusées pour des faits avérés et d’autres imaginaires, et condamnées à la fois pour leurs réponses et leurs silences, les prévenues n’avaient aucune chance ! Le scénario explore aussi la dimension fantasmatique de la sorcière dans un imaginaire masculin éternellement angoissé par la féminité, une arme que ces sorcières d’Akelarre tenteront de retourner contre leur accusateur. Loin de verser dans un fantastique autre que celui que l’ignorance et la crédulité humaine créait de toutes pièces, le film dévoile des jeunes femmes qui relèvent la tête face à l’oppression, combattent avec toutes les armes à leur disposition et n’en oublient jamais de vivre et de rêver : de quoi rendre plus aérien et combatif un drame historico-juridique qui se déroule intégralement en prison. Quant à la démarche féministe assumée du projet, elle est peut-être anachronique mais, à l’instar de la modernité du ton, permet aux Sorcières d’Akelarre de ne pas être un simple film de procès en sorcellerie de plus.