Los Silencios est né d'une histoire qui a été racontée à Beatriz Seigner par l'une de ses amies. Cette dernière a quitté la Colombie après avoir appris la mort de son père, pour s'installer au Brésil… Où elle a retrouvé son père. La réalisatrice explique : "J’étais tellement connectée à son récit que j’avais des images dans la tête, c’était mouvant, vivant, j’en rêvais même la nuit ! Donc j’ai commencé à écrire par bribes et flashs quelques scènes. Je me suis mise ensuite à enquêter et j’ai découvert que l’immigration colombienne était l’une des plus importantes au Brésil, surtout depuis 2006. En effet, quand Lula était Président, les lois concernant les réfugiés ont changé. Il les a assouplies afin que ces populations puissent avoir du travail, un logement, un salaire minimum. En bateau, on peut aller du Brésil à la Colombie en trois jours, le facteur géographique compte, les frontières sont étanches. J’ai rencontré plus de 80 familles colombiennes immigrées et je me suis aperçue que l’histoire de mon amie n’était pas un cas particulier, que d’autres familles colombiennes la partageaient. Ça a été un choc."
Los Silencios a été tourné à la frontière entre le Brésil, le Pérou et la Colombie, plus précisément sur une petite île baptisée « la isla de la fantasia ». Cette île est envahie par les eaux quatre mois par an et refait surface comme par magie le reste du temps.
Beatriz Seigner a commencé à écrire Los Silencios en 2009. A cette époque, le scénario était très différent, et la cinéaste envisageait de jouer davantage avec la frontière réalité/fiction. Puis, des amis lui ont parlé de cette île amazonienne. Elle se rappelle :
"Je m’y suis rendue et j’ai commencé à interroger les habitants de l’île. J’ai demandé aux enfants ce qu’ils faisaient après l’école, comment était leur vie… Des questions banales. Mais j’en ajoutais toujours une dernière : « de quoi avez-vous peur ? ». Et là, tout le monde m’a parlé des fantômes de l’île, qu’ils évoluaient parmi les vivants et que parfois ils entraient dans leur corps pour les amener à faire de mauvaises choses. Ces fantômes semblaient les effrayer mais ils les avaient acceptés, ils vivaient avec eux. Les habitants de l’île viennent de diverses tribus mais ils partagent une sensibilité particulière avec les cultures indigènes. La présence des fantômes est bien réelle pour eux. Ils s’entretiennent avec eux, leur posent des questions, leur demandent conseil, leur offrent des cadeaux. A ce moment-là, j’ai décidé de reprendre le scénario, j’ai écrit une nouvelle version, très différente des premières ébauches, inspirée par ces histoires de croyances."
Beatriz Seigner a travaillé sur le casting de Los Silencios avec Catalina Rodriguez et Carlos Medina, qui l'ont aidée à trouver les acteurs et à faire les répétitions avec eux. Enrique Diaz, qui joue le père, est un comédien de théâtre. La réalisatrice raconte : "Je n’imaginais personne d’autre dans le rôle de ce père fantomatique. Marleyda Soto, qui joue la mère, est aussi une grande actrice. Elle défie tous les stéréotypes. Son interprétation est magistrale. Dès la première prise, elle a été parfaite. Pour les enfants, nous avons cherché dans les environs du lieu de tournage. Maria Paula Tabares Peña, qui joue Nuria, habite l’île. Dès que je l’ai vue, j’ai fondu, j’étais fascinée par ses grands yeux noirs, son air suspicieux. Adolfo Savilvino, qui joue Fabio, a été un peu plus compliqué à trouver. Nous cherchions un enfant à la fois naïf et frondeur. Nous sommes allés visiter une école publique et avons demandé à rencontrer les enfants les plus turbulents. C’est là que Fabio est arrivé. Le courant est tout de suite passé. La manière dont Fabio s’est pris au jeu était intense. Il était très vif, très éveillé. Il était en immersion dans le film, immédiatement."