Faire la parole est le premier documentaire d'Eugène Green. Le réalisateur avait envie d'essayer quelque chose de nouveau tout en exprimant autrement son intérêt pour le Pays basque. "Je suis très attaché à la fiction, elle est essentielle pour moi, mais c’était intéressant de voir jusqu’à quel point on peut faire quelque chose qui a la valeur de la fiction, en partant de personnes et de lieux réels", raconte-t-il.
Eugène Green a titré son film de la sorte pour souligner les choses fascinantes dans la langue basque qui l'ont frappé lorsqu'il l'a étudiée. Il précise : "C'est que la façon la plus courante de dire parler, au lieu d’utiliser un verbe on dit "Hitz Egin" ce qui veut dire littéralement "faire parole". Et je pense que c’est un des éléments qui montre que la langue basque est un témoignage vivant de la naissance du langage. Le fait de "faire la parole" c’est une sorte de miracle. Et donc on l’exprime quand on veut faire référence à ce miracle, on dit littéralement "faire parole" ou "faire la parole".
Faire la Parole est un voyage à travers le Pays basque mais aussi un voyage intérieur pour les jeunes du film qui vivent une sorte de révélation à travers l’art, la musique, le chant, la danse et le théâtre. Eugène Green a ainsi choisi cette voie plutôt que celle de l’explication de l’histoire de la culture ou de la langue basque. Il développe :
"Je ne voulais pas choisir la voie de l’explication pour entrer dans la réalité de la culture basque aujourd’hui. De plus, ces jeunes ont tous reçu une formation, ils ont tous été scolarisés basque, et donc ils sont très au courant de l’histoire du Pays basque, et puis de la conception politique et abstraite de la réalité du Pays basque. Mais je voulais justement essayer de creuser plutôt, d’aller plus loin, vers l’essence de leur identité en tant que basque et donc je voulais le faire à travers effectivement des éléments de la culture. C’est pourquoi les sujets dont ils discutent et les lieux qu’ils visitent ont souvent rapport à la culture."
Eugène Green a choisi quatre jeunes pour son documentaire. Le metteur en scène les a trouvés lorsque la monteuse Laurence Larre, qui est basquophone et qui a grandi à Bayonne, lui a montré une vidéo d’un groupe de jeunes au lycée basque de la ville, qui avait formé une sorte de "groupe de pression", pour essayer d’obtenir le droit de passer en langue basque les matières qu’ils étudient au lycée avec l’accord de l’éducation nationale. Il se rappelle :
"Il y en avait un qui m’a frappé en particulier, un peu comme les acteurs que je choisis. C’était Ortzi, j’ai demandé à le rencontrer. Au Pays basque tout le monde se connaît plus ou moins, donc c’était facile. Ortzi m’a présenté à Aitor, son meilleur ami, et Ana, une amie d’enfance. Et puis Ugaitz, le jeune du Pays basque sud, je l’ai rencontré aussi à travers des connaissances. Ça semble être le fruit du hasard, mais je ne crois pas qu’il y ait de hasard. En tout cas les jeunes que j’ai trouvés sont ceux que j’aurais voulu trouver."
Eugène Green voit le documentaire Faire la Parole comme un film militant, mais pas d’une manière habituelle puisqu'il n’y a aucun discours vraiment politique, aucun slogan et juste quelques références à l’histoire basque. Le film est plutôt militant à travers le cinéma et à travers une expression poétique mais réelle de ce qu’est la culture basque. Le cinéaste raconte :
"J’ai essayé de faire de la politique à travers la poésie et à travers le cinéma. Et j’espère qu’en se rendant compte d’abord de l’existence des basques et du fait qu’il ne s’agit pas de folklore ni de quelques vieux paysans, qui sont sur le point de disparaître, mais de tout un peuple qui a aussi une jeunesse très active, qui est très moderne par certains côtés, qui ressemblent aux gens de leur âge ailleurs en Europe mais qui est une culture vivante et réelle, qui a le droit de vivre simplement et dans des conditions qui permettent son épanouissement, et pas seulement sa survie."