Les Témoins de Lendsdorf est le premier long métrage réalisé par Amichai Greenberg. Le processus d’écriture du film a duré près de douze ans. Le cinéaste se rappelle : "Tout a commencé à l’aube de mes 30 ans. J’étais marié et j’avais déjà trois enfants. Je viens d’une famille orthodoxe et j’ai alors commencé à me poser beaucoup de questions sur mon couple et ma vie, sans avoir de point de comparaison pour m’aider à trouver des réponses. Tant et si bien que je me suis demandé si je pouvais me fier à mes propres intuitions. Cela m’a amené à m’interroger sur le rapport à l’identité : Qui suis-je ? Comment se définit-on ? Cela a fini par totalement m’angoisser et j’ai décidé d’écrire sur cette anxiété. D’une certaine façon, je pense que ce scénario m’a façonné plus que je ne l’ai façonné."
Le contexte historique du film est inspiré du massacre de Rechnitz, en Autriche. Les recherches d’une fosse commune ont débuté juste après la guerre. Il y avait deux témoins, un juif et un non juif. Quand le témoin juif est retourné sur les lieux, il a été assassiné. Le témoin non juif était celui qui avait amené les armes pour tuer les juifs - lui aussi a été assassiné alors qu’il s’apprêtait à indiquer la localisation de la fosse dans la forêt. Les recherches ont repris dans les années 1980 mais se sont à nouveau arrêtées. La plupart des dates et des noms dans Les Témoins de Lendsdorf sont exacts. Les témoignages des Autrichiens montrés dans le film sont ceux de vrais villageois dont Amichai Greenberg a changé le nom. Le réalisateur raconte :
"Ces témoignages avaient été recueillis pour le documentaire Totschweigen (A Wall of Silence, 1994) réalisé par Eduard Erne et Margareta Heinrich qui ont gentiment accepté de me laisser utiliser les témoignages de trois personnes. Avec ces extraits, je voulais montrer jusqu’où vont le déni et le refoulement. Ce sont des gens qui peuvent être très émus, très sympathiques et qui pourtant ne disent pas la vérité. C’est un petit village et il est très peu probable que ces gens qui vivent là depuis toujours ne sachent pas où se trouve cette fosse commune. La grande différence est qu’en réalité, la fosse commune n’a pas été retrouvée. L’histoire de Yoel est également une pure fiction."
Dans Les Témoins de Lendsdorf, le personnage de Yoel travaille pour un organisme qui est un composite de différents centres de recherche. "Nous avons demandé au Mémorial de Yad Vashem l’autorisation de tourner, mais sans même avoir lu le scénario, ils nous ont répondu qu'ils ne collaboraient à aucun film de fiction. Je connaissais bien ces centres de recherche, ayant moi-même réalisé des centaines d’heures d’entretiens pour la Shoah Foundation créée par Steven Spielberg en 1994, les archives de l’histoire audiovisuelle des survivants de la Shoah", précise Amichai Greenberg.
Les Témoins de Lendsdorf a été présenté en première mondiale au Festival de Venise 2017, dans la section Orizzonti. Il a également été sélectionné dans les festivals suivants :
-Festival de Pusan 2017 – Sélection Flash Forward
-Festival de Varsovie 2017 – Compétition
-Festival de Cape Town 2017 – Compétition
-Festival de Stockholm 2017 – Sélection Discovery
-Festival de Haifa 2017 – Meilleur Film
-Festival du cinéma israélien Nice 2018 – Meilleur Film
-Festival du cinéma israélien Paris 2018 – Prix du Public
-Shalom Europa 2018 – Prix du Public
-Festival de Pekin – Meilleur Scénario
-Festival du film d’histoire Pessac 2018 – Prix du Jury
Avec Les Témoins de Lendsdorf, Amichai Greenberg a opté pour un récit qui se rapproche du thriller, une course contre la montre. Le metteur en scène précise : "La quête de vérité de Yoel ressemble à un thriller d’investigation traditionnel. Mon but n’était pas de faire un film historique ou sur l’Histoire ; ce qui m’intéresse beaucoup plus c’est la pertinence, l’impact de l’Histoire sur nos vies au quotidien. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi la forme du thriller – afin de susciter la curiosité du spectateur et également parce que j e ne souhaitais pas imposer d’émotions. Je pense qu’il vaut mieux laisser au spectateur la liberté de s’identifier au mystère et de s’impliquer émotionnellement. Mon objectif était de susciter un intérêt auprès du public et que l’histoire soit pertinente et contemporaine. Je voulais proposer une perspective inédite sur l’importance de l’identité et observer ce qui nous reste lorsque nous la perdons. Je souhaitais décrire un personnage à un moment de sa vie où il est au fond de l’abîme."
Pour Les Témoins de Lendsdorf, Amichai Greenberg revendique comme influence Conversation secrète de Francis Ford Coppola, car son personnage principal mène lui aussi une enquête solitaire. Le metteur en scène ajoute : "J’ai également pensé à Paris Texas de Win Wenders ; en effet, l’idée de la scène de la salle de témoignages aménagée comme un salon vient d e la scène où Travis Henderson va voir sa femme dans un peep - show. L’idée de ces endroits qui reproduisent la réalité et permettent de tirer la vérité des gens par le biais d’un simulacre de réalité, m’intrigue beaucoup."
Amichai Greenberg a travaillé avec une agence en Autriche pour trouver ses comédiens. Il explique au sujet du casting des Témoins de Lendsdorf : "L'histoire de l'actrice Michaela Rosen dans le rôle d’une politicienne autrichienne est particulièrement intéressante. Lors de mon séjour en Autriche, il y avait beaucoup d’actrices. Michaela Rosen les a toutes éclipsées, par sa présence dès qu’elle est entrée dans la pièce, mais son rôle n'était pas principal je ne pensais que cela lui conviendrait. Elle m'a alors demandé si je voulais savoir pourquoi elle voulait le jouer. Il y a quatre ans à peine, elle avait découvert qu'elle était juive. Lors de la première à Venise, elle en a parlé à la presse pour la première fois. Il y a eu un événement tragique avec le personnage de M. Burm. Lorsque nous sommes arrivés en Autriche, un assistant nous attendait blême. L'acteur venait d’avoir une crise cardiaque. Nous devions le remplacer. Peu de temps après la première audition, j'ai dit à mon équipe : il faut y voir un signe. Il est beaucoup plus logique de supprimer physiquement le rôle de M. Burn et ne garder que sa voix au téléphone. J'ai donc un peu réécrit le scénario et nous avons pu commencer le tournage."