I Feel Good trouve son origine dans le village Emmaüs de Lescar-Pau situé dans les Pyrénées-Atlantiques. Les réalisateurs l'ont découvert par le biais de leur collègue de Groland, Jules Edouard Moustic, venu une fois faire le DJ lors du festival de musique. Le réalisateur Gustave Kervern témoigne : "Le film est né du lieu. Et il est né de la manière dont le lieu nous a accueillis. Etre accepté par les compagnons n’est pas donné à tout le monde. Débarquer là-bas, c’est un peu comme franchir la porte d’un saloon dans un western…"
Cette communauté alternative accueille les compagnons et développe plusieurs activités : une zone de bric-à-brac, une recyclerie-déchetterie et une ferme alternative. Benoît Delépine précise : "Depuis que Gus et moi faisons des films, nous sommes, même sans le savoir, à la recherche de gens comme ceux qui vivent à Lescar-Pau… L’expérience qui se construit là-bas m’en a rappelé d’autres, par exemple celle d’un village danois, Christiania, où d’anciens babas ont retapé des maisons et développé une vie créative extraordinaire. Lescar-Pau est ce qui, en France, s’en approche le plus."
L'équipe de I Feel Good est venue progressivement à la rencontre des compagnons afin se faire accepter au sein du village Emmaüs. Il y a d'abord eu les deux réalisateurs puis Jean Dujardin et son frère Marc, coproducteur du film, qui se sont rendus sur place. Il était hors de question pour les metteurs en scène de se moquer de la communauté, bien que le film soit une comédie. Benoît Delépine raconte : "Avant même le début du tournage il y a donc eu un certain nombre d’interactions et d’imbrications entre nos deux mondes. Les compagnons ont vu que nous n’incarnions pas le Cinéma, avec son glamour et son strass, et ils ont vu que la plupart de nos métiers étaient des métiers manuels".
Le groupe que Jean Dujardin emmène en Bulgarie n'est pas composé de vrais compagnons car les réalisateurs ne souhaitaient pas menacer l'équilibre de la communauté. Ils ont fait appel à des amis : Jo Dahan, ancien de la Mano Negra ; Jana Bittnerova, actrice apparue dans un sketch de Groland ; Elsa Foucaud, une artiste de rue ; les acteurs Jean-Benoît Ugeux et Lou Castel ; Jean-François Landon, un copain d'enfance ; et Marius Bertram, qu'ils connaissent depuis 30 ans et qui était apparu dans Near Death Experience.
Les réalisateurs ont rencontré Jean Dujardin en 2012 lors de la présentation du Grand Soir au Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard. "Jean était déchaîné, au point de se casser le doigt en sautant dans la foule. Dès ce moment-là nous avons eu l’envie de travailler avec lui", relate Gustave Kervern. Malgré les années qui s'étaient écoulées, l'acteur n'avait pas oublié sa promesse et a répondu présent au projet. Benoît Delépine ne tarit pas d'éloge sur le comédien : "Jean possède une incroyable finesse de jeu. À chaque fois il trouve une nouvelle intonation, un petit mouvement de tête. Il dominait parfaitement son texte, et c’est justement quand on a bien travaillé un texte qu’on peut y introduire des petites nuances…"
Ce dernier évoque ce qui lui plaît dans le cinéma du duo : "Sur le tournage d’I Feel Good, j’ai retrouvé ce que j’apprécie chez eux depuis longtemps : une liberté de ton, subversive et poétique, qui s’exprime à l’intérieur d’un cadre fermement défini. Le cinéma de Benoît et de Gustave possède le sens de l’artisanat. C’est, je crois, une qualité devenue rare aujourd’hui."
Benoît Delépine revient sur le propos de I Feel Good : "Nous montrons combien l’individualisme forcené, la volonté de devenir riche pour devenir riche, sans penser aux conséquences, est une maladie. Aujourd’hui, plus d’un an après l’élection de Macron, on le voit très bien. Et on voit aussi que face au discours archi-cohérent de Macron, non seulement les discours adverses manquent de cohérence mais les vieilles idéologies communistes et collectivistes ne tiennent plus. Ce que le film essaie de dire, c’est qu’il y a peut-être une voie possible à travers ces petits groupuscules humains qui s’aiment et se respectent. La notion de groupuscule nous importe depuis longtemps. De toute façon c’est clair : sans décroissance on va dans le mur. On y est condamné, alors autant le faire bien. Et ces groupuscules nous semblent un bon moyen."
Delépine et Kervern sont connus pour ne pas faire de champ contrechamp dans leurs films et favoriser les plans-séquences. Leurs textes, très écrits, peuvent être assez fournis mais aussi régulièrement modifiés. Jean Dujardin avoue : "Il faut donc être très disponible, savoir s’adapter en permanence. Il le faut toujours au cinéma, mais encore plus avec eux ! Ce qui est à la fois stimulant et éreintant. Pendant les quinze derniers jours du tournage, je ne dormais plus : mon cerveau était en ébullition constante, à cause de ce mélange spécial d’écriture et d’improvisation."
Jean Dujardin apparaît avec 4-5 kilos de plus dans I Feel Good, à la demande des réalisateurs. S'il n'est pas vraiment à son avantage dans le film, le comédien ne s'en formalise pas : "Je n’ai de toute façon aucun problème avec mon image. J’ai l’impression de la flinguer à chaque fois… J’ai besoin de ressembler au personnage, pas de me ressembler. C’est très volontiers que je me suis malmené, que je me tiens mal, me coiffe mal… J’ai pris du poids, je me suis voûté. I Feel Good est un film sur des cabossés et Jacques en fait partie, même s’il se pense très différent. Et puis il me semblait d’autant plus important de bousculer la confiance de Jacques, d’y introduire de la fragilité…"
Yolande Moreau travaille pour la 3ème fois avec Benoît Delépine et Gustave Kervern après Louise-Michel et Mammuth. Elle revient sur son expérience dans I Feel Good : "j’étais un peu inquiète à l’idée de devoir passer en un instant du rire aux larmes. J’aime qu’on s’attache aux personnages que j’interprète. Il fallait donc éviter de décrédibiliser Monique, faire en sorte qu’elle ne se limite pas à délivrer un discours ou une pensée… J’ai beaucoup réfléchi et travaillé à tout cela avant le tournage. Si les mots sont importants dans un rôle, ils peuvent aussi me faire un peu peur. Je me suis efforcée, comme toujours d’ailleurs, de penser à ce qu’il y a en-dessous des mots de Monique, afin que tout ce qu’elle dit soit intégré à son personnage."
Lorsqu'elle évoque le village Emmaüs Lescar-Pau, l'équipe du film ne cesse de souligner l'importance du directeur Germain Sarhy, qui a "une philosophie et un tempérament, un charisme que j’admire" déclare Yolande Moreau. Sarhy considère la communauté comme "un ensemble d’innovations qui prennent en compte l’humain et son environnement" et est ravi que son combat soit mis en lumière par le film : "Quand Benoît et Gustave m’ont fait part de leur envie de tourner un film dans le village, j’ai dit oui tout de suite. J’ai aimé l’idée que le village puisse devenir un outil pour un film. Ils ont été merveilleux. Leur premier contact avec Emmaüs a été d’une grande modestie et d’une grande simplicité, d’un grand respect mutuel aussi. Je retrouve dans I Feel Good la force humaine et sociale du village, exprimée avec intelligence et humour. Benoît et Gustave ont parfaitement su exprimer notre combat et celui de l’abbé Pierre."