Avant 2013, Tom Volf ne savait pas qui était Maria Callas. Le metteur en scène l'a découverte par hasard, alors qu'il habitait à New-York et venait d'assister à une représentation de Maria Stuarda de Donizetti. Il se rappelle :
"Je ne connaissais rien à l'art lyrique mais cet opéra m’a donné envie d’en entendre davantage. En rentrant chez moi, j'ai surfé sur internet, cherchant d'autres interprétations de Donizetti et La Callas est sortie. Le choc a été si violent que j'ai passé la nuit à écouter tout son répertoire. J'ai à peu près lu tout ce qui avait été écrit sur elle et, très vite, j'ai rencontré les gens qui l’avaient connue. Mon intuition première était de redonner la parole et remettre La Callas au centre du récit de sa vie, dont la légende est truffée de contre-vérités. Elle a laissé l'image d'une diva capricieuse. C’est ridicule. Son tempérament impétueux souligne bien souvent l’exigence et la perfection d’un travail précis et rigoureux."
Maria by Callas réunit une matière impressionnante, comme des films inédits ou des images jamais dévoilées. Tom Volf a interviewé une trentaine de ses proches dont Nadia Stancioff, l’attachée de presse de Pier Paolo Pasolini, devenue son amie sur le tournage de Médée, Franco Zeffirelli, encore assistant de Visconti lorsque celui-ci mettait en scène Maria, Georges Prêtre le chef d'orchestre qui l’a si souvent dirigée et avec qui elle adorait travailler, Robert Sutherland, le pianiste qui a accompagné sa dernière tournée, etc. Le réalisateur explique :
"A chaque rencontre, c’est l’humain qui l’emportait, chacun me révélait un moment, un souvenir et bien souvent l’émotion surgissait. J’assume le côté vérité subjective, le récit, l'évocation. Je me souviens de Robert Sutherland me racontant une répétition avec elle, l’émotion était si tangible, si vibrante que j’ai pu ressentir à quel point cette femme avait une aura, et comment elle continuait d’irradier. À chaque rencontre, la plupart ouvraient leurs tiroirs et sortaient des photos personnelles, des lettres de Maria, des films super8 pris lors d'une après midi entre amis, des enregistrements... J'ai regardé tout cela après un an et demi et je me suis rendu compte que la matière était inédite et précieuse. Dans la plupart des documents, Maria se racontait elle-même."
Maria by Callas est dédicacé au majordome Feruccio et à la femme de chambre Bruna. Tom Volf explique ainsi que sa rencontre avec eux a été déterminante : "J’ai du mal à les désigner seulement comme son majordome et sa femme de chambre. Maria les considérait comme sa famille. Ils sont restés 25 ans auprès d'elle et parlaient d’elle en l'appelant “madame”. Lorsque je suis rentré dans le salon de Ferruccio, dans un petit village du nord de l’Italie, j'ai eu l'impression de retrouver l’ambiance, les couleurs et le décor de l’appartement de Maria avenue Georges Mandel à Paris. Ils m’ont confié leur vie avec elle. Et m’ont surtout donné une interview inédite et perdue dont Feruccio en gardait la seule copie existante... Il s’agit de l’interview de David Frost réalisée en 1970."
Pour Tom Volf, Maria Callas s’inscrit dans la lignée des icônes des années 1950 et 1960 : Jean Cocteau, Charlie Chaplin, Brigitte Bardot au bras de Sacha Distel, Edouard et Wallis, Juliette Greco et tous ceux qui assistent à son récital de 1958 et que l’on voit arriver dans le film à l’Opéra Garnier. Le cinéaste développe :
"Comme les 6 autres figures qu’elle a côtoyées Marilyn, Kennedy, Marlene Dietrich, Elizabeth Taylor, Visconti ou Pasolini. Elle a lien avec tous ceux qui gravitent dans ce monde là, Warhol comme Yves Saint Laurent. On voit bien, dans le film, l’émeute qu’elle suscite lorsqu’elle arrive au festival de Cannes où l’accueille Cocteau. Elle a le même statut que les stars hollywoodiennes d’alors."
La correspondance privée de Maria contient à peu près quatre cents lettres et Tom Volf a fait le choix de n'en retenir que quelques-unes, dont celles avec Fanny Ardant et celles avec Elvira de Hidalgo, sa professeur de chant rencontrée à Athènes qui l’a suivie tout au long de sa vie, qui se sont imposées.
"Pour Maria, Elvira de Hidalgo était comme une mère et, tout au long de sa vie, c’est à elle qu’elle se confiait. Fanny Ardant est comme une évidence, une voix intemporelle qui s’impose. Terrence McNally, l’auteur de Master Class, m’a confié que, de toutes les interprètes de sa pièce, Fanny était la plus proche de ses souvenirs des Master Class de Callas auxquelles il avait assisté", précise le metteur en scène.
La diversité des sources et la qualité diverse du matériel réuni a constitué un véritable "casse tête" pour Tom Volf. Il y avait en effet des films personnels dont les sources sont le super 8, le 9 mm, le 16 mm, le camescope, la VHS, et des archives dont la forme devait être la plus originale possible.
"Avec toute cette matière, j’ai voulu privilégier la pellicule car elle capte au mieux la lumière. Puis un travail de numérisation et de restauration colossal a été entrepris pour obtenir une qualité en haute définition. Après avoir travaillé sur l’élément original, j’ai recherché l’harmonie pour toujours mettre en valeur l’archive choisie. La colorisation participe également de cette volonté de retrouver les supports originaux, comme on regarde les photos couleurs de ces soirées là. Un travail d’orfèvre a été mené pour rendre à la nuance près les couleurs d’origine de l’archive, et rendre l’image plus intime et plus proche pour le spectateur", raconte le réalisateur.