Lindy Lou, jurée n°2 s'inscrit dans la même thématique que Honk!, le précédent documentaire de Florent Vassault, co-réalisé avec Arnaud Gaillard. En effet, les deux films s'interrogent sur la peine de mort, toujours exercée aux États-Unis. "En l’abordant par le prisme des jurés, j’avais envie que ce film relie la peine de mort à chacun de nous. Pour tous ces jurés, la peine de mort était une évidence, aujourd’hui ces certitudes se sont effondrées. C’est important pour moi car trente-sept ans après l’abolition en France, je suis inquiet de voir la peine de mort encore brandie comme une solution par certains. Il faut éduquer à l’abolition, il faut questionner la peine de mort et d’une certaine manière ce film peut participer à cela", explique Vassault.
Si Lindy Lou n'apparaît pas dans Honk!, c'est pourtant lors de son tournage que Vassault l'a rencontrée : "Je m’intéressais à la question des jurés et c’est l’avocat de Bobby Wilcher, l’homme qu’elle a condamné à mort, qui m’a parlé d’elle et a arrangé une rencontre".
Si Lindy Lou a d'abord hésité à se confier à l'équipe du film, elle s'est sentie en confiance quand elle s'est rendue compte qu'elle avait affaire à des personnes ouvertement opposées à la peine de mort, ce qui était inhabituel dans son entourage. Le réalisateur a tout de suite vu le potentiel de son histoire mais ne savait pas comment l'aborder d'un point de vue cinématographique. C'est lorsqu'elle lui a parlé de son sentiment d'isolement, par rapport à sa famille mais aussi aux autres jurés, que le metteur en scène a eu l'idée de lui faire rencontrer ces derniers : "L’idée du film est née de là ; c’est donc moi qui lui ai proposé ce voyage, même si d’une certaine manière elle l’a appelé".
Lindy Lou, jurée n°2 se déroule dans l'état du Mississippi, principalement aux alentours de sa capitale, Jackson. Le réalisateur revient en détail sur ce lieu : "le centre a été déserté dans les années 1960-70 par la population blanche avec la déségrégation (« white flight »), pour s’installer dans les suburbs. Une bonne moitié des jurés habitent dans cette « grande banlieue » de Jackson, des petites localités huppées, largement boisées, et jalonnées de lotissements. C’est un Mississippi largement « blanc », très frappant je crois dans le film. Le comté de Rankin, là où le procès a eu lieu est le plus conservateur de l’Etat, c’est même encore un comté « dry », dans lequel la vente d’alcool est interdite !"
Il était important pour le réalisateur de montrer l'Amérique dans sa complexité et de ne pas tourner en ridicule les électeurs de Donald Trump : "la bonne surprise a justement été cette parole de Lindy – profonde, complexe – qui s’est développée dans l’intimité du film. Quand on évolue dans cette Amérique ultra conservatrice, blanche, du Sud des Etats-Unis, c’est très facile de la caricaturer, d’aller y chercher le pire et de mettre en avant son ignorance crasse".
Aux États-Unis, dans un procès où la peine capitale est requise, un citoyen qui ne croit pas en la peine de mort se voit rejeté du processus de sélection. De fait, 40 % de la population américaine est donc exclue de ces jurys.
Au cours de son film, le réalisateur s'est rendu compte qu'en France, il s'agissait d'être "pour" ou "contre" la peine de mort tandis qu'aux États-Unis, il est question d'y "croire" ou non : "Il y a vraiment l’idée d’une croyance et cela va de pair avec les passions que déchaîne la peine de mort, cette idée assez répandue dans le Sud américain que l’abolition remettrait en cause les fondements de la société. Il y a quelque chose de l’ordre de l’irrationnel, un rapport quasi mystique à la peine de mort".
En 1982, Bobby Wilcher assassine deux femmes alors qu'il est âgé de 19 ans. Il est condamné à deux fois à la peine de mort, chaque meurtre donnant lieu à un procès séparé. Douze ans plus tard, en 1994, pour cause de vice de procédure, sa peine doit être réexaminée. Deux nouveaux procès s’ouvrent alors et c’est à cette occasion que Lindy Lou est sélectionnée comme jurée. La défense de l’accusé se révélant incapable de produire la moindre circonstance atténuante, les jurés sont unanimes: Bobby Wilcher est condamné à nouveau à la peine capitale et il retourne dans le couloir de la mort du Mississippi.
En 2006, après 24 ans dans le pénitentier de Parchman et n’ayant reçu aucune visite depuis 14 ans, Wilcher renonce à ses appels, ne supportant plus sa situation. C’est à cette période que Lindy Lou prend contact avec lui, rongée par la culpabilité. Ils se lient d'amitié et cette rencontre redonne envie à Wilcher de relancer les procédures d'appels qu'il avait abandonnées, en vain. Il est exécuté le 18 octobre 2006.