Rémi sans famille est adapté du roman "Sans famille" d'Hector Malot (paru pour la première fois en 1878), qui se centre sur un enfant abandonné (Rémi) vendu par ses parents adoptifs à un musicien ambulant (Vitalis). A ses côtés, il va apprendre la rude vie de saltimbanque et à chanter pour gagner son pain. Accompagné du fidèle chien Capi et du petit singe Joli-Cœur, son long voyage à travers la France, fait de rencontres, d’amitiés et d’entraide, le mène au secret de ses origines…
Le livre comprenant deux tomes a été adapté plusieurs fois au cinéma : Sans famille de Marc Allégret en 1934 ou encore Sans famille de André Michel en 1958. A la télévision, l'adaptation la plus connue est sans nul doute la série animée japonaise Rémi sans famille, comprenant 51 épisodes de 24 minutes et diffusée en France pour la première fois en 1982 sur TF1.
Antoine Blossier, qui a par le passé mis en scène deux films aussi différents que le thriller horrifique La Traque (2010) et la comédie pour ados A Toute Épreuve (2014), avait envie de changer de genre pour sa troisième réalisation, et s'atteler à un film d’aventures qui s’ancre dans le patrimoine français. Le réalisateur se rappelle : "C’est mon épouse qui m’a conseillé le livre d’Hector Malot. J’en avais un souvenir incertain mais connaissais le dessin animé qui a bercé l’enfance de ma génération. J’ai d’abord hésité. « Lis-le sous un angle “Spielbergien” », a-t-elle insisté, me rappelant que mon réalisateur favori savait brillamment raconter des histoires tragiques sous le prisme du regard de l’enfance et de l’innocence (sa marque de fabrique), en sachant instaurer une dimension « magique » aux réalités les plus pénibles et un souffle épique à ses récits historiques. L’envie est née ; une envie très conceptuelle au départ qui a progressivement évolué vers des thèmes auxquels je suis attaché – la transmission, l’accomplissement de soi, le dépassement…"
Le roman d’Hector Malot date de 1878. Antoine Blossier a cherché à le moderniser en apportant un "filtre" féerique ainsi qu'une certaine notion d’aventure. Il explique : "Malgré son positivisme, "Sans famille" est un livre assez sombre et naturaliste. J’ai cherché à lui donner une dimension de conte, ceux que nous nous faisions lire, petits, sous la couette, et que nous racontons à présent à nos enfants. Et, tout en respectant l’identité française de l’oeuvre d’Hector Malot, j’ai tout de suite revendiqué une imagerie proche des films qui m’ont fait grandir, ceux que je voyais rituellement en famille : les productions Amblin (la société de production de Steven Spielberg : E.T., Les Goonies…) bien sûr, mais aussi les classiques Disney (Pinocchio, Bambi, Dumbo). Je ne tenais pas à faire du naturalisme."
"Sans famille", qui a d’abord été écrit sous la forme d’un feuilleton hebdomadaire, se déroule sur quatre ans. Il était ainsi impossible pour Antoine Blossier d’en conserver tous les événements et les enjeux. Le cinéaste a donc réduit l’histoire à un an, en voulant adapter ce qui constitue une chronique à un scénario plus classique en trois actes dans sa dramaturgie. Il précise : "Et puis, je me suis concentré sur les aspects et les thèmes qui me touchaient le plus – la relation de Rémi à Vitalis qui sait déceler un don chez cet enfant et va lui offrir l’opportunité de se dépasser. La grande liberté que j’ai prise, c’est cellelà : avoir doté Rémi de cette voix extraordinaire qui va définir tout le reste de sa vie. Quand il chante, il est touché par la grâce ! Il ne possède pas à ce point ce talent chez Hector Malot."
Rémi sans famille a été tourné en Occitanie, dans l’Aubrac et le Tarn, dans des paysages que l'on connaît peu. Antoine Blossier se souvient : "L’Aubrac est une région assez peu connue dans le cinéma français, sans doute pour des raisons logistiques. Cette région est encore sauvage, ce qui en fait tout son charme. J’ai aimé ce décor de western gigantesque et tellement cinématographique : on était en France et en même temps ailleurs. Il a fallu amener des grues dans des endroits très difficiles d’accès, c’était compliqué, mais j’y tenais. Comme je tenais au côté carte postale des villages dans lesquels nous avons filmé – Cordes-sur-Ciel, Castelnau-de-Montmirail… –, des endroits magnifiques qui font partie de notre patrimoine. Disney, qui envoyait ses graphistes dans toute l’Europe pour s’imprégner de l’architecture dans les contes qu’il adaptait, savait ce qu’il faisait. C’est, en quelque sorte, un retour aux sources."
La séquence de la tempête en Angleterre a été tournée en studio durant trois jours. Il s'agissait d'une scène compliquée à régler, comme s'en rappelle Antoine Blossier : "Quel type de fond ? Quel type de neige pour accrocher la lumière à la caméra et donner cette impression de profondeur alors que, lorsque les acteurs marchent, le mur est à huit mètres derrière eux ? La séquence devait conserver un aspect onirique, presque abstrait et tendre à l’épure : on colle au point de vue de l’enfant, les personnages n’ont plus de repères… Je ne sais combien de tonnes de fausse neige nous avons dû utiliser, les acteurs, qui marchaient sur un tapis roulant, en avaient plein les yeux. Ils ont souffert."
Maleaume Paquin, le garçon qui joue Rémi enfant, est le quinzième enfant que Antoine Blossier a rencontré au cours du casting. En tout, le metteur en scène a vu pas loin de quatre cent autres enfants avant de se décider. "Serait-il capable de tenir physiquement durant les treize semaines que durerait le tournage ? Je l’ai fait revenir plusieurs fois en lui donnant des scènes différentes et de plus en plus difficiles à jouer. Il était super et j’ai compris qu’il était solide", précise-t-il.
Darkness, le Border Collie qui joue Capi, est un vrai chien de cirque : il a l’habitude de faire les numéros qu’il exécute dans le film dans des spectacles de rue et a une complicité solide avec son maître. Quand Antoine Blossier et son équipe ont tourné la scène où Vitalis et Rémi se trouvent pris dans la tempête en Angleterre et que Vitalis lui dit – « Adieu camarade » –, le réalisateur a dit à son dresseur : "Je voudrais qu’il hésite, qu’il dise à Vitalis en aboyant – « Ne meurs pas ! » –, qu’il se rende compte que son maître va y passer et qu’il s’en aille en pensant qu’il doit aller chercher de l’aide". Il se rappelle :
"Mon premier assistant s’est moqué de moi, pensant que j’étais devenu fou : le dresseur m’a demandé cinq minutes, et, au moment où j’enclenchais l’action, Darkness a fait tout ce que j’avais demandé. Impressionnant. Tito, le capucin, qui avait déjà tourné dans le téléfilm de Daniel Verhaeghe avec Pierre Richard, était davantage « un caractère » et c’est ce que j’ai choisi de mettre en avant. Il s’agissait surtout pour moi de capter des réactions, des émotions et d’utiliser la mise en scène et le montage pour parvenir à créer le personnage. Quand il met son chapeau et que tout le monde trouve cela extraordinaire, en réalité l’image est inversée."
Antoine Blossier tenait à ce que la musique du film soit symphonique et thématique, à l’image des grandes compositions françaises comme celles de Michel Legrand ou Vladimir Cosma, tout en s’imprégnant des sonorités de John Williams et de Danny Elfman (les compositeurs de Spielberg et Burton). Il voulait qu'elle ait du souffle, de l’ampleur, de l’énergie. Le cinéaste précise : "Il s’agissait de tout mettre dans un shaker, bien remuer, digérer, jusqu’à trouver l’identité du film. Romaric Laurence, avec qui j’ai fait tous mes longs métrages, a d’abord eu très peur de ce défi. Il a commencé par composer la comptine que chante Rémi, s’en est éloigné, et y est finalement revenu : tous les thèmes qu’il a composés partent de là. Sa musique est très présente dans le film – elle dure soixante-douze minutes, la moyenne d’un film américain, contre quarante-deux minutes en France."
Pour se préparer au tournage, Maleaume Paquin a travaillé avec une coach. Le plus dur pour le jeune comédien était de réussir les scènes où son personnage pleure. Il explique : "Alors, je pensais à la mort de mon arrière-grand-mère et les larmes venaient. Pour m’aider à rester dans mon émotion, Antoine enchaînait les prises. À la fin, ces scènes sont devenues mes préférées". Maleaume a aussi dû s'entraîner pour apprendre la comptine, ce qui a été plus facile comme il a longtemps fait partie du choeur d’enfants de l’Opéra de Paris. "C’est parce que, à un moment donné, ma voix s’est cassée que mes parents m’ont inscrit dans une agence de casting : j’étais très malheureux et ça a été pour eux une manière de me réconforter. Depuis, ma voix est revenue. Il est arrivé qu’on ait dû faire plus de vingt prises pour certaines de ces séquences parce que je n’arrivais pas à comprendre qu’il fallait que je me concentre avant tout sur le jeu : je voulais toujours prouver que je chantais bien", termine-t-il.