Le cinéma de genre français serait-il en train de se réveiller avec une sérieuse envie de faire souffrir la population parisienne ? Après la bonne surprise "La Nuit a dévoré le Monde" qui voyait une épidémie transformer les habitants de la capitale en hordes de zombies affamés , voilà que "Dans la brume" fait déferler un brouillard mortel dans les rues de la ville lumière. Les deux films ont d'ailleurs une connaissance commune : Dominique Rocher, un temps pressenti pour diriger "Dans la brume", il a abandonné le projet pour aller en découdre avec les infectés laissant sa place de réalisateur au québécois Daniel Roby. Nul doute que nous voilà en présence de noms à surveiller de près à l'avenir tant les deux projets ont en commun de vouloir faire émerger un cinéma fantastique made in France de qualité que l'on désesperait de voir à nouveau dans nos salles.
Alors qu'une vague de brouillard massif décime les Parisiens, un couple se réfugie dans les hauteurs de leur immeuble, laissant seule leur fille atteinte d'une anomalie génétique respiratoire rare dans son environnement stérile (une sorte d'immense bocal pour résumer) quelques étages plus bas. Problème, les batteries de l'appareil assurant sa sécurité et la protégeant de fait de la mystérieuse brume doivent être régulièrement changées, ses parents vont alors tout faire pour la garder en vie quitte à mettre en danger la leur...
Forcément, avec un tel évènement brumeux surréaliste de départ, on s'attendait tous à un "The Mist" à la française, un film qui n'égalerait sans doute pas l'adaptation cinématographique mais qui au moins surpasserait sans mal la série TV éponyme, sauf que "Dans la Brume" surprend en prenant une route totalement différente, bien loin de la surenchère fantastique des oeuvres inspirées de la nouvelle de Stephen King. En réalité, en dehors de son postulat extraordinaire, le long-métrage de Daniel Roby épouse avant tout la forme d'un film catastrophe misant sur les péripéties de ses personnages pour survivre au phénomène. Et cette approche aussi surprenante que réaliste, refusant de plonger la tête la première dans un déchaînement de fantastique, va devenir autant la source de ses qualités que celle de ses défauts.
En effet, cette volonté de rester ancré dans le réel permet à "Dans la Brume" de se positionner à échelle humaine, de nous inclure facilement dans le microcosme formé par son nombre restreint de personnages et de nous identifier ou, au pire, nous attacher à eux (comme pour "La Nuit a dévoré le monde", le cadre général parisien proche de notre quotidien est aussi une véritable plus-value pour cela). Ainsi, le film n'est jamais meilleur que lorsqu'il s'aventure sur le terrain émotionnel, créant instantanément l'empathie pour ses protagonistes lorsque la situation devient critique. Le jeu irréprochable de l'ensemble des comédiens et la magnifique partition musicale de Michel Corriveau en sont d'ailleurs aussi de sérieux contributeurs.
Seulement, le revers de la médaille de cette approche rationnelle de l'extrordinaire est que "Dans la Brume" est finalement un film catastrophe très classique, n'offrant que peu de surprises dans sa trame générale (les ultimes instants sont par exemple archi-attendus) ou dans sa succession de péripéties certes généreuses en action et habilement mises en scène mais au caractère toujours désespérément prévisible. Rien ne vient vraiment jamais nous bousculer pour nous emmener sur un terrain totalement inédit qui propulserait "Dans la brume" sur de plus hautes sphères.
Mais, même s'il n'est pas une aussi bonne surprise que "La Nuit a dévoré le monde", on ne peut que saluer les ambitions d'un tel projet. Visuellement abouti (le contraste entre les cieux ensoleillés et la pénombre du brouillard des bas-fonds est habilement mis en valeur) et doté d'un véritable coeur grâce la force presque palpable des liens qui unissent ses personnages, "Dans la brume" lève un peu plus le brouillard sur un cinéma fantastique français qui a clairement des choses encore plus belles à dire dans un avenir que l'on espère désormais immédiat.