Après le western et le film de prison, S. Craig Zahler, qui aime visiblement les films de genre, s'attaque au Film Noir. Avec brio. Trainé Sur Le Bitume est l'anti-Marvel: de vrais personnages, un ancrage social et sociétal, des êtres de chair, de sang et de viscères, qui existent, et des partis pris artistiques. Comme le fait que chaque personnage, même secondaire, dispose de scènes le caractérisant et lui donnant une densité, avant que celui-ci n'entre en collision avec la ligne dramatique principale (incarnée par les deux flics interprétés par Mel Gibson et Vince Vaughn). Comme aussi ce choix de ne mettre aucune musique, si ce n'est la musique diégétique, et de travailler une bande-son très riche et précise. Comme l'intégration de multiples détails de la vie réelle que nous ne voyons que très rarement dans des films états-uniens : la lingette que tend Vince Vaughn à Mel Gibson qui vient d'uriner, enlever ses chaussures quand Mel Gibson rentre dans son appartement, comme les bruits de la mastication de Vince Vaughn dans la voiture pendant qu'ils font de la planque, comme l'otage qui a envie d'uriner dans la camionnette, et beaucoup d'autres exemples qui donnent un ancrage réel puissant.
Cette dimension réelle est plaquée sur une histoire de braqueurs que des policiers veulent à Blur tour braquer pour récupérer l'argent. Rien de nouveau de ce coté-là. Mais cet arc dramatique est enrichi par celui de Tory Kittles qui est le premier et dernier personnage que nous voyons.
La richesse du film vient aussi de l’ambiguïté du sujet : ces flics qui décident de voler l'argent d'un casse, n'ayant eux-mêmes pas beaucoup d'argent, dans un univers et des décors où la pauvreté et les difficultés de la vie sont présentes. Tendant d'expliquer, sans vraiment justifier. La justification étant donnée par le ras-le-bol du personnage de Mel Gibson.
La richesse du film vient aussi de ses multiples accès de violence, réalistes, gores, mais sans complaisance mais aussi de son duo de flics fatigués, usés par leur métier, minés par leur vie privée. Un ancrage dans le réel qui est devenu inhabituel. Le tout avec de gros acteurs, Mel Gibson, et Vince Vaughn.
Sur la forme, le film surprend par sa richesse des décors et l'exploitation qu'en fait le cadre pour chacun d'eux. Les plans dans les appartements sont composés et le format large leur donne une ampleur et une beauté, avec des caméras qui bougent très peu (quasiment aucun traveling ni paronymique).
Un chef-d’œuvre instantané.