Les envahisseurs sont parmi nous !! Enfin, pour le moment, avant la grande invasion en préparation, seulement trois émissaires séparés d'une race extraterrestre ayant "possédé" trois citoyens japonais pour chercher à comprendre les concepts les plus absurdes de la race humaine. Pour en saisir la portée, il suffit qu'ils s'approchent d'une personne ayant une représentation d'un concept abstrait en tête (la famille, la propriété, le travail, ...), qu'ils pointent le bout de leur doigt et, hop, la notion est assimilée et comprise. Seulement, la victime de ce geste, elle, s'en retrouve complètement dépossédée et le nombre de Japonais avec une case en moins par ce simple fait devient de plus en plus croissant, attirant le regard des plus hautes autorités.
Les trois aliens se sont subsitués à un jeune mari infidèle, à une lycéenne et à un adolescent. Ceux-ci vont tous faire pour se réunifier et transmettre les données acquises à leur peuple. Pour cela, ils se servent de "guides": le mari choisit logiquement la femme avec qui son soi d'avant vivait et l'adolescent, un journaliste croisé par hasard, pendant que la lycéenne est recherchée après avoir démembré sa famille suite à un vol de concept à un poisson rouge (oui, ils ne sont pas encore très doués)...
Déjà, on ne peut que saluer l'originalité d'une telle invasion alien ! Alliant absurde, poésie et sérieux (la référence à Beckett sur l'affiche n'est pas volée), "Avant que nous disparaissions" est une belle proposition de SF dont Kiyoshi Kurosawa se sert évidemment d'un écrin pour mettre en lumière toutes nos conventions sociales adoptées sans la moindre réflexion alors qu'elles se prêtent la plupart du temps au ridicule si l'on y regarde d'un peu plus près (encore plus dans la rigueur dans la société nippone). L'humour qui s'en dégage fonctionne bien, la poésie l'emporte avec un magnifique final (bien entendu, le concept de l'amour va se retrouver à un moment ou à un autre au coeur de tout cela comme on peut s'en douter) et, malgré le caractère extraordinaire de son pitch, le film réussit à l'inscrire avec le plus grand sérieux du monde dans notre réalité en faisant mêler à la menace alien celle d'un gouvernement prêt à tout pour l'endiguer.
Jouant aussi bien avec l'espoir et le désespoir que peut représenter l'humanité et malgré une première partie qui touche au génie, "Avant que nous disparaissions" devient peu à peu "un film de passages", totalement inégal par l'intérêt que représente l'enchaînement de séquences à l'écran : si certaines nous rappellent ce pourquoi cette histoire a les capacités pour toucher au génie, sur la globalité, le film de Kiyoshi Kurosawa est victime de son ventre terriblement mou en son centre, il en devient beaucoup trop long (il aurait fallu le resserrer d'une bonne vingtaine de minutes, au bas mot, les altercations répétitives avec les autorités gouvernementales n'étant pas sa plus grande réussite), l'ennui nous gagne en cours de route, surtout que sa finalité est quasiment connue de tous par avance (ben oui, l'amour, comme dit précédemment). On se prend même souvent à rêver à ce qu'un Yórgos Lánthimos aurait fait avec constance d'un tel sujet...
Il en résulte un film original, traversé de moments si brillants qu'ils ne nous font pas regretter le déplacement, mais qui, au final, se révèle très bancal sur son intérêt global. Sans doute un concept que les aliens de la planète Kurosawa n'avaient pas encore parfaitement assimilé...