Dans Contre ton coeur, les personnages, et particulièrement les personnages adultes, ont l’air apathiques. Serait-ce la suite logique de l’horreur ? Serions-nous déjà au-delà de la fin du monde ? "Quand on a de l’espoir, on a encore la force de se battre, de protester. Quand l’espoir disparaît, la force de crier s’évanouit en même temps : à quoi ça servirait ? Ça ne changerait rien. Je ne crois pas que le film traite de la fin du monde. On en est encore très loin. Au regard du contexte international, nous restons de grands privilégiés. Par ailleurs, la plupart des maux qui nous accablent sont de notre fait. On s’est endormis. On a cru que la démocratie, c’était voter de temps en temps. On pensait que tout nous était acquis, or ce n’était pas le cas. Cela dit, en y réfléchissant bien, on n’avait pas grand-chose, en fait. Aujourd’hui, ceux qui travaillent sont considérés comme des bienheureux, pourtant combien exercent le métier de leur rêve ? Sans doute très peu", confie la réalisatrice Teresa Villaverde.
Les adolescents occupent une place centrale dans tous les films de Teresa Villaverde, Contre ton coeur compris. "Je place tous mes espoirs en eux. Ils n’ont aucune garantie, ils n’en ont jamais eues, mais ceux qui ne renonceront pas devront trouver de nouvelles façons de vivre. Ils devront tout repenser. Je crains qu’ils ne se penchent pas beaucoup sur le passé, ce qui pourrait d’ailleurs être dangereux, mais je suis sûre qu’ils trouveront le moyen de nous sortir de ce merdier. Je ne suis évidemment pas naïve au point de croire que tous les adolescents d’aujourd’hui sont comme ça. Mais je pense sincèrement que le changement viendra d’eux. Je suis très contente que la musique du générique de fin du film ait été composée par un adolescent de 17 ans. Dans le champ artistique, je crois que nous sommes au seuil d’une période très riche, très intelligente et très composite."
Le point de départ du film, c’est la perte du travail du père dans ce trio familial. "Comme l’égalité des sexes n’existe toujours pas au Portugal, ça m’intéressait de traiter d’une famille dans laquelle c’est le père qui perd son emploi", explique Teresa Villaverde. Quand le film commence, le drame a déjà eu lieu. On prend les personnages en route alors que la situation s’est déjà détériorée, avec beaucoup de non-dits. La mère est fatiguée, l’argent commence à manquer et les dettes s’accumulent. Le chômeur se sent coupable, inutile. "Et comme souvent dans ces cas-là, celui qui travaille rejette intérieurement sur l’autre la responsabilité de ce qui leur arrive, mais, dans le même temps, se sent coupable d’être traversé par de telles pensées. Cette situation dramatique empire de jour en jour, lestée de silences et de culpabilité. L’adolescente observe l’effondrement de sa famille, mais de loin, en observant des faits tangibles. Ce qui l’affecte le plus, en vérité, c’est que personne n’exprime ce qu’il ressent. Il fallait que je filme ces personnages de loin, et en silence, sans m’immiscer. Ma caméra ne s’approche pratiquement jamais d’eux. J’attends quand ils attendent", ajoute la réalisatrice.