Un film fleuve, dans lequel, à travers les rencontres et relations d’un étudiant, aspirant écrivain, qui revient au village et s’interroge sur ce que sera sa vie, Nuri Bilge Ceylan aborde quantités de thèmes. La conception de l’art, ici la littérature, et la difficulté à publier la première œuvre. La place et le rôle de la religion, ici l’Islam, dans le fonctionnement social, mais aussi dans la morale individuelle. La condition de la femme, ici dans la société Turque, dans une scène déchirante où apparaissent la résignation et l’auto censure de la jeune fille. L’addiction au jeu, et ses désastres sur la vie familiale et personnelle. Les relations père -fils, complexes, souvent conflictuelles et affectées par les non-dits. Questions universelles parfaitement insérées dans une réalité culturelle et sociale. Pour ce faire, le réalisateur adopte une forme qui fait penser à certains grands romans Russes (Dostoïevski), avec des scènes qui s’étirent et dans lesquelles les personnages décortiquent, même de façon désordonnée, les thèmes abordés. Les rencontres sont filmées avec ampleur, comme avec ces longs travellings avant ou arrière qui accompagnent la déambulation des personnages. Les quelques scènes conflictuelles étant, elles, filmées en champ / contre-champ. Le tout est ponctué de larges plans fixes magnifiques, assurant la pause et la transition. La qualité esthétique et la puissance émotionnelle ne sont toutefois pas au niveau du superbe « Winter sleep », et le film souffre d’un délayage excessif. Un grand film tout de même, avec une magnifique conclusion symbolique, pleine de signification, d’humilité et d’humanité.