22 novembre 2018 : je rentre de l'avant-première de SC et je sais déjà que je retournerai voir ce film au cinéma. Une histoire, des personnages, de l'émotion, une mise en scène, des musiques discrètes mais bien choisies, des éléments sociétaux, des acteurs concernés, une photographie léchée, des plans et des cadrages inspirés... Ce film est tellement riche... Comme dans Shame, j'ai beaucoup apprécié les jeux de reflets que s'est permis Steve McQueen dans Les Veuves et notamment
ce moment très poétique où Viola Davis s'imagine dans les bras de son mari joué par Liam Neeson, scène soulignée par la sublime interprétation de Wild Is The Wind par Nina Simone
Il y a des plans qui m'ont également marqué dès ce premier visionnage comme la première arrivée de Viola dans le repère de son mari, plan qui part d'une vue d'ensemble sur le quartier avant de se focaliser sur sa voiture et de la suivre, ou encore le plan séquence où
suite à un meeting électoral, Colin Farrell part avec sa conseillère, entre dans une voiture dont on ne voit pas le chauffeur au début et tient des propos plutôt désobligeants sur la population qu'il est censé convaincre pour être élu, sa circonsription étant à majorité noire. Pendant le trajet qui dure pendant un certain temps et qui est filmé en plan séquence, la voiture part du lieu où s'est déroulé le meeting, quartier noir, et se dirige vers la demeure de Colin, située dans un lieu plus huppé, nous faisant découvrir en continu la diversité de ce coin de Chicago. Et vers la fin de ce plan séquence, on se rend compte que le chauffeur est noir : dur d'entendre ce qu'il a entendu pendant le trajet et de devoir rester stoïque...
Si vous espérez un film d'action, vous vous trompez de crèmerie. Le pitch de l'histoire est bien un braquage, mais le traitement de l'histoire me fait plutôt penser à une de mes séries favorites, The Wire, par le rythme, le nombre de personnages traités, les différents aspects sociétaux de Chicago. La religion, la politique, la corruption, les petits arrangements, le racisme, la position sociétale de nos quatre héroïnes, tout cela est distillé avec délicatesse et une grande finesse d'écriture, par le biais d'une non linéarité temporelle de ce qui est montré à l'écran ainsi que des digressions virtuelles. Pour moi, les vrais sujets du films sont le deuil et comment y faire face, et plus généralement que la vie, c'est le mouvement, qu'il faut avancer pour vivre, quelles que soient les difficultés qui se présentent à vous. Je trouve d'ailleurs que la dernière image du film
Viola/Veronica en train de sourire à Elizabeth/Alice en lui demandant comment elle va, est solaire.
Après la projection de son film, Steve McQueen nous a confié qu'il avait été inspiré par une série qui s'appelait Widows et qu'il avait vu à la télé en 1983. Il s'était senti très proche des héroïnes, car il se reconnaissait en elle dans le fait d'avoir à se débattre dans un monde hostile. Il a aussi indiqué que la première actrice qu'il avait choisi était Cynthia Erivo, une des révélations de Sale temps à l'Hôtel El Royale, qui jouait à Broadway, qu'ensuite il avait choisi la sublime Elizabeth Deblicki qu'il avait apprécié dans une pièce de Jean Genet, Les Bonnes. Pour Michelle Rodriguez, ce fut plus dur, elle a refusé deux fois et il a essayé de caster d'autres actrices avant de revenir vers elle et de réussir à la convaincre. Quant à Viola Davis, c'est quand il l'a rencontré qu'il s'est rendu compte que ça ne pouvait être qu'elle qui pouvait jouer le rôle de Veronica, convaincu par la puissance de sa présence.
Quand on regarde la totalité du casting, on ne peut qu'être impressionné. J'ai déjà parlé de Liam Neeson et de Colin Farrell, mais quand on pense qu'on y retrouve aussi Robert Duvall (rôle du père de Colin, magnifique de férocité), Jon Bernthal (malgré un petit rôle, mais une scène où il est puissant de violence rentrée), Garrett Dillahunt (un habitué des rôles de bad guy, mais qui là trouve un rôle de chauffeur que j'ai trouvé touchant), Daniel Kaluuya (rappelez-vous, le héros de Get Out, qui a ici un rôle de salopard de première) et Lukas Haas (le petit garçon de Witness, que l'on a pu retrouver cette année dans First Man), et que tous sont plutôt marquants dans leurs scènes, je ne peux que tirer un grand coup de chapeau à Steve McQueen et Gillian Flynn pour avoir su les mettre TOUS en évidence.
Enfin, un dernier mot sur la musique. Les musiques originales, composées par le grand Hans Zimmer, n'apparaissent clairement qu'au tiers du film, mais sont marquantes. A côté de cela, en plus de la chanson de Nina Simone, vous pourrez entendre en fond Rock My World de Michael Jackson et Whiter Shade Of Pale de Procol Harum.
Je pense que je complèterai ma critique quand je l'aurai revu car comme je l'ai dit en préambule, je le trouve si riche... ^^