Même si je n'ai toujours pas vu 12 years a slave, son sujet ne m'est pas resté inconnu tant le film a fait parlé de lui. Hunger m'a laissé des traces encore visibles 11 ans après son visionnage éprouvant et il me faut toujours voir Shame.
Pour autant, malgré ces trous dans la filmographie de Steve McQueen, Widows m'apparait immédiatement comme l'exception, le film de braquage, l'exercice de style du réalisateur, pur divertissement détaché de tous sujets chauds, puisant son originalité uniquement dans le fait de mettre à l'honneur des femmes.
Et bien c'était sans compter sur le talent de l'anglais pour entremêler son récit de messages sociaux et politiques avec en fond, un féminisme si adroitement mis en scène et intégré à l'histoire qu'il vous fait passer les dernières productions D.C. (Wonder Woman et Harley Quinn) pour de vulgaires porte-étendards bling bling à gros sabots.
A la tête de ce groupe de braqueuses improvisées, prêtes à faire le dernier coup de leurs regrettés compagnons passés au bûcher, Viola Davis. La madame sans-coeur des deux Suicide Squad, va faire montre d'autant de vulnérabilité que de fermeté pour mener à bien son projet. Derrière elle, on retrouve une Michelle Rodriguez moins revêche que d'habitude, l'élancée et fragile Elizabeth Debicki et l'athlétique Cynthia Erivo.
Si les situations familiales et professionnelles de chacune ont été indubitablement choisies pour permettre de balayer large en terme d'image de la femme (son corps et sa place), de l'intimité du foyer aux codes sociétaux, les 4 actrices volent la vedette à toute la gente masculine (Liam Neeson, Robert Duvall, Colin Farrell, excusez du peu) grâce à leur jeu principalement mais aussi grâce à l'attention portée à l'écriture de leur personnage. Ainsi, au-delà de leur volonté de s'en sortir en faisant jeu égal avec leurs hommes et d'exister par elles-mêmes tout en étant conscientes des différences physiologiques (encore que Cynthia Erivo doit me mettre à l'amende au 100 mètres), on les découvre fortes magré leurs doutes et faisant face à leur quotidien mais aussi au regard des autres, qu'on aille du couple interracial à la femme au foyer en passant par les violences domestiques et le sois belle et tais-toi.
Au-delà de la place faite aux femmes (ou prise par les femmes) et à travers le passé de Veronica/Viola Davis et la campagne électorale menée par Jack Mulligan/Colin Farrell, Steve McQueen en profite pour esquisser d'autres sujets délicats mais pas toujours forcément nécessaires à l'histoire (#BlackLivesMatter).
Mais n'oublions-pas qu'il s'agit avant tout d'un film de braquage et donc d'un film où on finit par toucher à des milieux opaques pour les honnêtes gens. La réalisateur, en faisant plonger Veronica dans le monde de son mari, la mêle adroitement à des politiciens et des gangsters sur fond d'élection municipale dans une ville de Chicago loin d'être oubliée, qu'on colle aux trottoirs de quartiers difficiles où qu'on s'élève vers les immenses baies vitrées des gratte-ciels au gré des rencontres. En dehors de nos héroïnes, ce sera un personnage masculin qui se détachera du lot, en la personne de Daniel Kaluuya.
Après Get Out et son rôle de victime, il endosse avec une décontraction malsaine et un flegme assassin celui du bourreau, crevant véritablement l'écran dès son premier regard irradiant de dédain et de machisme. En homme de main froid, violent et distant de sa propre cruauté, l'acteur campe LE filon sanglant du film et chacune de ses apparitions étoffe un peu plus la lame de cette épée de Damoclès aux tranchants sadiques.
Widows mêle donc avec efficacité ses propos sous-jacents avec le classicisme du film de casse, tout en faisant la part belle à ses personnages et leur vécu. Toute la virtuosité de Steve McQueen pour mener son oeuvre repose dans cette association qui font de ces deux heures un récit prenant où se fond un sentiment de revanche sociale.