C'est lors d'un dîner que Colo Tavernier a sorti quelques pages d'un tiroir en disant à Lidia Terki que cela pourrait l'intéresser. Le scénariste avait écrit cette histoire dans les années 1990, inspirée par les foyers Sonacotra qui abritaient tous ces hommes qui ne peuvent plus rentrer dans leur pays. La cinéaste a immédiatement été émue par cette femme errant dans Paris à la recherche de son mari, ancien travailleur immigré à la retraite. Elle se rappelle :
"Je venais de perdre mon père et, même si ces pages ne racontaient pas son histoire, cela m'a renvoyée à ses origines, et donc aux miennes. Algérien, né en Kabylie, sous la colonisation, mon père a épousé ma mère française à la fin des années 50. Elle a vécu en Algérie durant dix ans par amour. Je suis née là-bas. Nous sommes venus en France quand j'avais trois ans. Je suis sûrement le parfait produit de ce qu'on appelle une intégration réussie, celle de mon père, jusqu’à en oublier mes propres origines. Ma grand-mère kabyle, que j’ai peu connue, se prénommait Rekia, et c’est terrible car je l’ai appris très récemment ; alors j’ai donné son prénom au personnage principal du film."
L'histoire d'amour (pudique et simple) présente dans le scénario de Colo Tavernier constitue également une raison ayant poussé Lidia Terki à adapter cette histoire. La réalisatrice confie : "L’amour est assez rare dans les films qui traitent de l’immigration algérienne en France. Quand j’ai lu ces pages, cela a été évident pour moi qu’il fallait que je développe et m’approprie cette histoire. On ne parlait pas encore autant des Syriens. Les arrivées en Italie commençaient à peine. Je me suis dit : "C’est la même histoire qui se répète". J'ai toujours voulu faire un film qui englobe toutes les immigrations."
Pour des raisons d'authenticité, Lidia Terki tenait à tourner dans un vrai foyer, là où l'on trouve les "Chibanis" (cheveux blancs en arabe dialectal), ces gens de la première génération d’immigrés d’après-guerre du Maghreb, qu’on nomme aussi les "Invisibles". Comme il n'y a presque plus de foyers à Paris, la cinéaste a dû chercher en banlieue et c'est du côté d'Ivry, au bord de la Seine à Alfortville, qu'elle a trouvé le foyer que l'on voit dans le film.
Pour la maison en Algérie, Lidia Terki cherchait une demeure familiale qui représente la vie de Nour, son paradis perdu. La réalisatrice a trouvé la maison idéale sur les hauteurs de Tizi Ouzou, autour d’Azeffoun, un village ancien qui surplombe la mer. "L'Algérie c’est sublime, mais l’urbanisation est horrible, rien n’est terminé. Quand j'ai vu cette maison pas finie, au cœur de nulle part, je me suis dit : « Voilà, elle est inachevée, un peu comme leur vie à eux deux »", précise-t-elle.
Le personnage qu'incarne Karole Rocher devait représenter le regard du spectateur, c'est à dire quelqu'un qui ose aider les autres. "Karole était évidente pour interpréter Tara, elle a une incroyable présence et une grande sensibilité. Son personnage nous fait rencontrer des Syriens, des Soudanais, cette immigration continue, des gens qui sont encore dans l’espoir, qui voient peut-être dans cette femme algérienne qui cherche son mari, la mère qu’ils ont laissée ou la femme qui pourrait venir les chercher un jour", selon Lidia Terki.
Zahir Bouzerar, qui incarne Nour, était le premier acteur qu'a choisi Lidia Terki. Cette dernière voulait que l'homme derrière le personnage soit Kabyle. C'est dans Barakat ! (2006), film qu'elle avait vu il y a une dizaine d'années, qu'elle a découvert l'acteur. La cinéaste lui trouvait quelque chose de rude, de terrien mais aussi de poétique. Bouzerar est par ailleurs un comédien de théâtre et aussi un dramaturge. La réalisatrice se souvient :
"On s'est rencontrés à Alger, et dès que je l’ai vu arriver, j’ai su que c’était lui. Il est petit et frêle, il a l’air d’être dans la lune. Son visage est marqué et c'est très beau. Et puis, il y a sa voix grave et douce, sa façon de rouler les « r », de parler un peu à l’ancienne. Je voulais qu'il parle à la fois kabyle et français."
L’actrice algérienne choisie par Lidia Terki pour se glisser dans la peau du personnage principal du film a eu un problème de santé dix jours avant le tournage, l'obligeant à se désister. Le producteur Jan Vasak a alors parlé à la cinéaste de Tassadit Mandi, qu'elle trouvait dans un premier temps trop jeune. Mais la motivation de la jeune comédienne (et le fait qu'elle a été particulièrement émue par le script) a convaincu Lidia Terki. Cette dernière se remémore :
"Elle m’a dit : « Je peux te jouer la femme de soixante-dix ans, quatre-vingt, ou même cent-dix ans, comme tu veux ! ». Et là, j’ai vu son regard, et sa capacité à changer d’expression en très peu de temps, passer d’un regard pétillant à quelque chose de très statique et profond."
Le tournage de Paris la blanche, entre Paris, la banlieue, Marseille et l'Algérie, a été assez rude selon Lidia Terki, avec peu de temps de préparation. "Cela m'a obligée à être ouverte à ce qui se passe et apparaît dans le cadre. Et en même temps, c'était raccord avec l'histoire de cette femme qui débarque en France sans savoir à quoi s'attendre...", confie la réalisatrice.
Chloé Thévenin a créé la BO du film. La compositrice a préalablement travaillé sur les courts métrages de Lidia Terki, laquelle a filmé ses clips de musique électronique. "J’avais aussi en tête une mélodie que je jouais avec mon père à la guitare quand j’étais petite, c’est la seule que je sache interpréter depuis toutes ces années. J'ai donc demandé à Chloé d’utiliser cette mélodie pour en faire le thème du film. Elle a contacté des musiciens algériens qui jouent des instruments traditionnels (Oud, Zorna, Darbouka). Chloé les a enregistrés, jouant autour de ce thème, et a composé ensuite avec sa patte électronique. Tout est mélangé et c'est en cela que ça me ressemble. Je revendique le métissage", note-t-elle.