Le film s’inspire du court métrage Happy Birthday to Me que Peter Mackie Burns avait réalisé, en collaborant déjà avec Nico Mensinga au scénario et Emily Beecham dans le rôle principal. Mensinga se souvient : "Alors qu’on travaillait sur un autre projet avec Peter, il m’a demandé si je préparais un scénario car il voulait s’atteler à un nouveau film. Je lui en ai envoyé quelques-uns et il en a sélectionné un, qu’il a fini par tourner. C’est devenu Happy Birthday to Me. En voyant le résultat final, je l’ai trouvé à la fois totalement captivant et d’une grande authenticité."
De manière plus globale, Peter Mackie Burns et Nico Mensinga voulaient faire un film sur un personnage complexe qui refuse de se laisser enfermer dans les rôles qu’on attribue le plus souvent aux femmes : épouse, petite amie, partenaire de vie, mère, fille obéissante à ses parents, etc. Le cinéaste et le scénariste souhaitaient aussi que le personnage ait de l’humour et s’en serve constamment comme une arme psychologique. Le premier poursuit :
"Ce qui nous a séduits, c’était de tenter d’imaginer un personnage singulier, à la fois drôle, complexe, souvent difficile à vivre, vulnérable, un peu égoïste et auquel on s’identifie. Je m’inspire toujours de gens que je connais dans la vie. Daphné s’inspire en grande partie d’une bonne amie qui, malheureusement, est décédée. On s’est servi de son sens de l’humour et de sa tendance à choquer les autres. C’est aussi pour ça que j’aime ce personnage : je reconnais mon amie en elle. Et bien entendu, avec mon coscénariste, nous avons aussi projeté nos propres centres d’intérêt sur le personnage. Par ailleurs, je vois de plus en plus de femmes comme elle, du même âge environ, à Londres où, comme on sait, il est de plus en plus difficile de mener une existence normale, car la vie y est outrageusement chère."
Peter Mackie Burns voulait filmer un Londres contemporain qui change à toute vitesse. C'est dans cette optique qu'il a choisi Elephant and Castle, un quartier au sud de la ville qui connaît à l’heure actuelle des changements sans précédent et des réaménagements : d’une certaine manière, il fait écho à l’état psychologique de Daphné. "Elephant and Castle est un quartier du centre-ville que je connais assez bien. Il ne s’est pas encore totalement embourgeoisé, même s’il en prend le chemin. Comme notre protagoniste connaît une évolution personnelle, on s’est dit qu’on allait choisir un quartier qui est aussi en pleine mutation. J’ai vécu dans l’appartement dont on s’est servi pour y installer le personnage de Daphné. C’était assez étrange. J’ai vécu sur le plateau ! Du coup, à la fin de la journée de tournage, je disais au revoir à toute l’équipe et… je restais sur place ! C’était donc redevenu mon appartement. C’était un sentiment très étrange. Pour être honnête, je ne crois pas que je serais capable de fonctionner de cette manière une nouvelle fois", explique le metteur en scène.
Daphné est un portrait de femme. A ce sujet, Peter Mackie Burns avait pour références les films de John Cassavetes avec Gena Rowlands, plus particulièrement Une femme sous influence (1974). "Néanmoins, je ne voulais pas filmer mon personnage en gros plans. Je me suis dit qu’il valait mieux ne pas trop traquer Daphné car elle garde ses distances avec les gens, d’un point de vue psychologique. Même si, au cours du film, elle se rapproche un peu des autres", ajoute le cinéaste.
Peter Mackie Burns et Nico Mensinga ont une méthode de trvail assez inhabituelle. Le premier s'occupait de développer les personnages et d’écrire la biographie de Daphné. Il en parlait ensuite à Emily Beecham et Nico Mensinga ce qui enrichissait les personnages et l’intrigue. "Par exemple, on a longuement réfléchi aux livres lus par Daphné. On s’est dit que la lecture était son plus grand plaisir et sa manière de s’évader et du coup, on a obligé Emily à dévorer les livres de chevet de Daphné. On lui a aussi demandé d’écouter les très nombreuses musiques qu’elle aime, ce qui correspond aux méthodes classiques de création d’un personnage", raconte le metteur en scène.
"Je n’ai pas vraiment d’opinion tranchée sur son mode de vie, si ce n’est qu’il reflète ce que vivent pas mal d’amies à moi qui ont une petite trentaine. Autrement dit, elle commence à se lasser des soirées en boîte, entre la drogue et les rencontres sans lendemain. Elle est à un moment de sa vie où elle se rend compte que ça ne vaut plus le coup d’avoir la gueule de bois et d’aller de déception en désenchantement, juste pour le plaisir d’un plan cul. Il y a désormais plus d’inconvénients que d’avantages. C’est aussi lié à son âge : elle a une petite trentaine, mais elle cherche à prolonger la liberté qu’elle avait quand elle avait une vingtaine d’années, même si le temps qui passe la rattrape."
Visuellement, Peter Mackie Burns et son équipe se sont inspirés de Manhattan avec le travail du chef-opérateur Gordon Willis et du photographe Saul Leiter. L'ouvrage "Déclin et survie des grandes villes américaines" de Jane Jacobs a aussi été une source d’inspiration. "Et je crois que Nico lisait Caitlin Moran quand il a commencé à écrire, si bien que ses livres ont pu l’inspirer également", précise le cinéaste.