Anne-Gaëlle Daval est à l'origine costumière ; De plus belle, son premier film, était un projet inattendu pour elle. "À l’origine, je suis créatrice de costumes et j’avais envie d‘en faire pour le cabaret. Au lieu d’attendre une commande, je me suis dit que je n’avais qu’à écrire un film !", affirme-t-elle. "Écrire un scénario est assez merveilleux. C’est comme une pelote de laine qu’on déroule. On a une idée et on la tire. Le cabaret m’a amenée à la nudité, et la nudité à la féminité. Et là, s’est posée la question de la féminité. J’ai deux adolescentes, je les regarde grandir et je me demande ce que moi, en tant que femme, je dois leur transmettre. Ce qui m’amène à m’interroger sur ce qu’on m’a transmis, à moi. La féminité s’apprend par mimétisme. Les filles imitent leur mère. Que faire quand cette mère n’a pas conquis sa propre féminité ?"
Anne-Gaëlle Daval a écrit le scénario de De plus belle en autodidacte : "J’ai lu beaucoup de scripts, je me suis entraînée et ai suivi, aussi, quelques séminaires. En fait, l’écriture en général me passionne depuis toujours, et celle du scénario m’attirait depuis plusieurs années. Très technique, très cadrée, très pointue, très psychologique aussi, elle oblige à être ultra-précis", analyse-t-elle. "Il faut formuler les choses le plus précisément possible, dans un minimum de temps et de mots. Ce qui oblige à cerner et creuser les personnages au plus profond d‘eux mêmes. On y arrive en les dessinant par de minuscules détails. C’est la somme de ces détails, très difficiles à trouver, très subtils à assembler, qui finit par les définir. Écrire, finalement, c’est de la broderie. Et j’adore la broderie".
Le personnage de Lucie, interprété par Florence Foresti, est très proche de la réalisatrice Anne-Gaëlle Daval. "Lucie… c’est un peu, beaucoup moi. Elle n’a pas été difficile à « broder ». Il m’a suffi d’être sincère avec moi même. Les personnages qui gravitent autour d’elle, je les connais aussi", confie-t-elle.
Anne-Gaëlle Daval a écrit le personnage de Lucie en pensant à Florence Foresti. "Florence est une femme qui me touche. Dans toutes ses interviews, elle exprime des interrogations et des inquiétudes sur ce qu’elle est, et comment elle est. J’avais envie de lui faire comprendre qu’il ne fallait plus qu’elle doute", déclare la réalisatrice. "J’ai écrit un synopsis de quatre pages, je me suis procuré son adresse, et je lui ai envoyé ! Une heure après l’avoir reçu, elle m’appelait pour me dire qu’elle était partante ! Imaginez ma joie : je n’avais encore jamais rien fait, ni écrit de scénario, ni encore moins tourné de film. La vie réserve parfois de bonnes surprises".
Anne-Gaëlle Daval a pu compter sur l'aide de son équipe pour venir à bout de sa première réalisation. "Tout le monde m’a dit de ne pas m’inquiéter, qu’on allait m’aider. C‘est ce qui s’est passé. Au fond, ce n’est pas très difficile d’être cinéaste. Quand on a peur, ou qu’on ne sait pas, il y a tout de suite quelqu’un qui vient résoudre votre problème", explique-t-elle. "Mon seul objectif était qu’on la raconte le mieux possible. Je n’avais besoin ni de grands décors, ni de mouvements acrobatiques de caméra". La réalisatrice a même demandé de l'aide à Mathieu Kassovitz pour quelques scènes.
L'expérience de costumière d'Anne-Gaëlle Daval a aidé la réalisatrice à terminer l'esthétique de son film. "Je savais que je voulais un film gai et coloré. J’aime beaucoup les couleurs. Elles sont pour moi comme un outil avec lequel j’aime travailler. J’ai beaucoup discuté avec mon directeur photo pour qu’on obtienne ces lumières ambrées", affirme-t-elle. Le rapport aux acteurs s'en est également trouvé facilité : "Quand on est costumier, on apprend à regarder les gens. J’arrive à décoder leur personnalité, juste en observant la façon dont ils s’habillent. Je devine assez facilement ce qu’ils veulent montrer et cacher d’eux-mêmes. J’aime bien la nudité aussi. Pour moi, la peau est une sorte de vêtement qui « habille » l’âme".
C'est Florence Foresti qui a soufflé le nom de Mathieu Kassovitz pour être son partenaire de jeu : "Comme c’est un acteur gigantesque, je savais qu’avec lui, il n’y aurait pas de problème de justesse. Je trouvais, en plus, qu’on était, tous les deux, physiquement bien assortis. Et puis, pour tout dire, j’avais une envie folle de jouer avec lui", s'amuse l'actrice.
Le tournage de De plus belle s'est déroulé dans l'ordre, chose rare au cinéma.
Florence Foresti a dû freiner sa tendance naturelle à l'auto-dérision pour ne pas tomber dans la parodie. "Dans mes sketches, dès que je porte un postiche, j’ai tendance, pour faire rire, à caricaturer. Pour ce rôle, il a fallu que je joue avec, sans le secours de l’autodérision. Dur, dur, car ma nature reprend vite le dessus !", confie l'actrice. Certaines scènes étaient également plus délicates que d'autres à jouer : "Je pensais que la pire scène pour moi allait être celle où je me déshabille. En fait, ça a été celle du baiser, pour des raisons de pudeur, et surtout, celle où je m’énerve, dans la serre contre ma famille. Anne-Gaëlle voulait que je me mette vraiment en colère. Or, je trouve assez indécent de perdre ses nerfs en public. Ça a donc été une scène très dure pour moi".
Florence Foresti a travaillé en amont son personnage, bien qu'elle se laisse habituellement guider par son instinct. "Dans ce cas précis, Anne-Gaëlle m’a poussé à réfléchir sur Lucie, à la travailler, à lui donner, par exemple un certain timbre de voix. On a beaucoup discuté toutes les deux, parce que je voulais jouer, aussi, avec ce que je suis, et qu’elle, souhaitait qu’on me découvre sous un angle un peu différent. Mais on n’a pas théorisé. Lucie s’est construite au fil du tournage", affirme-t-elle.
Anne-Gaëlle Daval a retravaillé le personnage de Mathieu Kassovitz après avoir échangé avec le comédien sur des questions de séduction. "Au départ, mon personnage n’était pas exactement celui qu’on voit dans le film. Il était moins écrit, et beaucoup plus agressif. Anne-Gaëlle a accepté de le développer. Elle avait son point de vue sur les mecs qui draguent les filles. Je lui ai apporté le mien. Je lui ai expliqué ce que veut dire, pour un type comme moi, de faire la cour à une femme, comment ça se passe, pourquoi je m’arrête sur tel genre de fille, et pas un autre, etc… On a beaucoup parlé ensemble de ce qu’est la séduction du côté des hommes. Et elle a réécrit un personnage qui me correspondait plus", confie le comédien.