Il faut se résigner, la possession est en train de devenir un des grands fléaux de ce vingt-et-unième siècle... sur grand écran, du moins. C'est bien simple, si l'on devait recenser toutes les victimes d'intrusions corporelles de démons au cinéma depuis les années 2000 (la plupart du temps de jolies jeunes femmes innocentes, pas fous ces démons), il y aurait sans doute de quoi remplir un énorme centre psychiatrique d'anciens possédés. Le problème c'est que le mode opératoire de ces entités tout autant que celui des prêtres exorcistes chargés de les renvoyer dans leurs sombres tanières est désormais archi-connu et que l'on vient assez vite à ne plus distinguer une oeuvre d'une autre les mettant en scène tant les titres "L'Exorcisme de Machin Bidule" se multiplient sans dévier d'un iota du schéma démoniaque habituel. Bien évidemment (et heureusement), il existe des exceptions qui tentent de bousculer tout cela, parfois sur la forme ou sur le fond, pour créer un minimum de surprises et, en rappelant le sympathique "The Jane Doe Identity" avec son décor de morgue (mais avec une origine du mal différente), on espérait bêtement que cet "Exorcisme de Hannah Grace" s'inscrirait dans cette lignée de renouvellement d'un sous-genre de l'épouvante en train d'étouffer sous les clichés. On s'était bien trompé.
Bon, le long-métrage a au moins pour lui le mérite d'évacuer tous les sempiternels poncifs de l'exorcisme dès sa pitoyable scène d'ouverture qui n'impressionnera plus grand monde car sa grande idée n'est pas de nous raconter la lutte entre la fameuse Hannah Grace et le démon qui l'habite mais plutôt ce qu'il advient dans le cas où le (la) possédé(e) succombe face à son mal. En effet, une fois sa victime décédée, on imaginait tout bêtement que le démon rentrait avec un aller-simple en Enfer mais apparemment, non, la créature s'accroche mordicus à la dépouille et continue de la posséder même post-mortem. Ce n'est d'ailleurs pas de chance pour Megan, une ancienne flic ayant assisté à la mort de son coéquipier et devenue récemment "réceptionniste de cadavres" dans la morgue d'un hôpital après une période de toxicomanie post-traumatique (ne surtout pas chercher à comprendre l'intérêt thérapeutique de tripoter en permanence des cadavres alors que c'en est un qui est l'origine du mal-être du personnage...). Évidemment, la belle va recevoir la dépouille de la possédée en question et se coltiner toutes les embrouilles qui vont avec...
Pour reprendre la comparaison avec "The Jane Doe Identity", le principal intérêt du film d'André Øvredal résidait dans l'aura de mystère entourant les origines du cadavre (une fois dévoilé, le film redevenait d'ailleurs bien plus conventionnel), "L'Exorcisme de Hannah Grace", lui, n'a pas cette chance puisque l'on connaît dès les premières minutes sa provenance et le mal qui y sommeille. Du coup, on peut légitimement se demander ce que le film va nous raconter et on se rend assez vite compte que la réponse se résume en un mot : rien.
N'ayant même plus de quoi tenir sur le fond pour un simple court-métrage, "L'Exorcisme de Hannah Grace" va tout simplement se contenter de miser sur les phénomènes engendrés par le cadavre pendant un temps qui nous apparaît interminable (et ce truc ne dure que 1h25 pourtant !). D'une vacuité totale, le film enchaîne les manifestations surnaturelles les plus banales (de l'éclairage vacillant à la nuée de mouches imaginaires, tout y passe !) et fait joyeusement gambader son cadavre aux os bien craquants dans tous les recoins de la morgue pour dézinguer les malheureux qui s'y aventurent (le démon prend même tranquillement l'ascenseur dans sa recherche de chair fraîche). Seule véritable qualité esthétique du film, ce cadavre promeneur est amusant à voir pendant un temps mais, au bout, de la dixième apparition en arrière-plan, autant dire qu'on a envie de l'incinérer nous-mêmes !
Au milieu de ça, la caricature qui nous sert d'héroïne poursuit une quête de rédemption absolument atroce de dialogues niaiseux qui tentent tant bien que mal de relier métaphoriquement la guérison de son mal-être aux cavalcades du démon. Bien entendu, vu la subtilité éléphantesque de l'ensemble, ça ne fonctionne absolument pas (mention spéciale à la scène de dialogues ahurissante entre elle et un ambulancier où, après avoir remarqué toutes les bizarreries vraiment bizarres du cadavre, les deux entament une discussion introspective comme si de rien n'était), surtout que les seconds rôles ne servent à rien sinon passer entre les mains craquantes du démon (pauvre Stana Katic !
En fait, on passe la plupart du temps à se demander quel est l'intérêt d'avoir produit cette espèce de version complètement idiote de "The Jane Doe Identity" qui n'a rien à raconter sans le mystère de son aîné. À l'image de la dernière partie expédiée avec la platitude la plus exemplaire, "L'Exorcisme de Hanna Grace" n'a juste aucune raison d'être et, pire, ne fait même pas semblant d'en avoir une. Déjà que les films de possession tournaient désespérément en rond autour de leur sujet, celui-là a cru que sa seule idée de s'intéresser aux possédés post-mortem suffirait à faire une sorte d'illusion novatrice. Pas de bol, il fait encore pire que bon nombre de ses prédécesseurs en termes de vacuité et d'ennui...